Destruction leads to a very rough road but it also breeds creation.
– Red Hot Chili Peppers, Californication
(ma traduction : la destruction mène à un chemin semé d’embuches, mais elle engendre aussi la création.)
Inspiration schumpéterienne pour ce concept de « discordance créatrice » qui transpose au domaine des idées la « destruction créatrice » de l’économiste. Il ne s’agit d’ailleurs que d’un retour aux sources puisque, initialement, Schumpeter s’est lui-même inspirée de la pensée de Nietzsche pour aboutir à ce concept.
La destruction créatrice décrit le perpétuel chamboulement de l’économie provoqué par l’action de l’ensemble de ses acteurs sous l’effet de l’innovation, provoquant à la fois une destruction de valeur pour certains acteurs (les menaçant de disparition) et un accroissement de productivité et de leadership pour ceux qui portent cette innovation.
En ce moment, comme on adore remplacer des mots précis et clairs par d’autres qui ne veulent plus rien dire, on parle même d’ « Uberisation » (terme inventé semble-t-il par Maurice Lévy).
En clair, c’est une théorie qui ne plaît pas, mais alors pas du tout, aux rentiers de toute sorte, qui bénéficient de situations monopolistiques ou oligopolistiques. C’est le cas, pour ne citer que des exemples relativement récents :
- des taxis contre Uber,
- du triumvirat des télécoms français (Orange, Bouygues et SFR) contre Free,
- de la grande distribution contre les pharmaciens,
- des notaires contre les avocats,
- etc.
Ce sont les forces conservatrices et corporatistes contre le progrès. Le pantouflage contre le risque. La rente et l’attentisme contre la société ouverte. C’est la croyance que l’on peut arrêter le changement, c’est-à-dire arrêter l’Histoire quand elle nous est favorable.
Dans le domaine des idées, c’est le ronron bien pensant, la pensée unique aux accords figés, aux refrains répétés en boucle comme des mantras bouddhistes contre la tentative de discordance nécessaire à l’innovation.
Mais la discordance ne doit pas être simplement discorde, révolte, rébellion ou indignation. Ce ne sont là que des réactions négatives à l’ordre établi. Des moyens et non des finalités. Discordance créatrice signifie recherche et production d’alternatives. C’est donc une logique de progrès et de proposition, pas une régression revendicative. Car nous retomberions alors dans les travers du conservatisme.
Schumpeter distingue cinq types d’innovations :
- la fabrication de biens nouveaux,
- les nouvelles méthodes de production,
- l’ouverture de nouveaux débouchés,
- l’utilisation de nouvelles matières premières,
- une nouvelle organisation du travail.
Un terme commun : « nouveauté ». Nouveauté sans laquelle toute révolte ou toute indignation est totalement stérile. Ce pourquoi il ne faut pas confondre discordance créatrice et transgression : si la discordance est fondamentalement une transgression, la transgression, quant à elle, n’est pas nécessairement créatrice.
Enfin, on n’oubliera pas que l’innovation, la vraie, ne consiste pas à rendre l’ancien système plus efficace, mais bien à en inventer un autre.