Archives de catégorie : Art

Aimer la culture, détester son enseignement

Faute d’avoir trouvé un guide pour me transmettre une compréhension de la hiérarchie des savoirs, la « haute culture » est longtemps restée pour moi un sujet de dénigrement et d’incompréhension. Il semble même que je me sois longtemps construit par opposition à cette prétendue haute culture, dont les seuls promoteurs que je côtoyais étaient mes professeurs – et sachant l’image que j’avais d’eux, ou qu’ils lassaient à apprécier, je ne pouvais que rejeter ce qu’ils souhaitaient que j’honore.

Ainsi, je n’ai appris à apprécier la culture que tardivement, par mes propres moyens et selon un intérêt lentement attisé, en ayant détesté son enseignement.

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Qui prêcher ?

D’accord, vous avez quelque chose à dire, vous êtes un héros-citoyen qui fait son travail d’écriture. Mais pour qui faut-il écrire ? A qui allez-vous vous adresser ?

Pour soi d’abord, charité bien ordonnée commence par soi-même ; écrire permet, en premier lieu, de réifier ses idées, de les confronter à leurs mots et de lutter contre soi afin de faire émerger une chose, une production, qui n’est plus (en) soi et gagne son indépendance. La surprise de l’écrivain envers son texte est la preuve qu’il a su extraire davantage de lui-même que ce qu’il pensait connaître. C’est un dépassement de soi. Julien Gracq écrit, dans En lisant en écrivant, que les écrivains sont :

Des hérétiques enfermés chacun dans leur hérésie singulière, et qui ne veulent pas de la communion des saints [car] leur jardin d’Eden reste à jamais celui des sentiers qui bifurquent.

On doit tirer une certaine satisfaction, en croyant avoir emprunté une ligne droite (celle de son intuition), à se voir contraint d’arpenter des chemins de traverse (des idées et des faits qui nous contredisent et nous dérangent). Ce n’est pas perdre son temps en variations stériles et infinies, mais au contraire laisser l’écriture révéler nos contradictions, nos écarts, nos faiblesses – avant d’exiger de nous-mêmes que nous y remédions.

Comme l’écrivain se surprend sous sa plume (ou son clavier), comment pourrait-il raisonnablement savoir pour qui il écrit ?

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Le prix du savoir

Toujours se méfier des gens qui disent vouloir votre bien et qui commencent par s’intéresser à vos biens !

Ceux-là, quels que soient leur production, leur attitude, leur sympathie apparente et leur mode de communication, pensent toujours à une chose avant tout : eux-mêmes.

Car, qu’est-ce qu’écrire et faire publier un livre ? Un moyen, d’abord, de gagner sa vie : par conséquent, il faudrait fixer un prix au savoir, donc, nécessairement, s’intéresser à l’argent que le public serait prêt à donner pour acquérir l’ouvrage en question. La relation de l’écrivain au lecteur, Sartre la définit dans Qu’est-ce que la littérature ? :

L’écrivain, homme libre s’adressant à des hommes libres, n’a qu’un seul sujet : la liberté.

Posture idéaliste que Sartre reconnaît lui-même comme telle. Il semble qu’une relation de nature bien plus pragmatique lui soit substituée : celle de l’offre et de la demande – une économie de marché du savoir.

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Utopia

Finalement, nous prîmes la route du retour vers Utopia, capitale du royaume. Les détails de sa fondation restent obscurs. Dans l’antique bibliothèque d’Antioche, de vieux parchemins parlent d’une nouvelle Byzance érigée à l’Ouest de la Mer Intérieure par des esclaves affranchis de l’Empire romain.

Quand un étranger s’éblouit devant la magnificence actuelle de la cité, il n’est pas un Utopien pour lui rappeler qu’elle ne fût à l’origine qu’un campement de réfugiés venant de toutes les parties de l’Empire Romain décadent. Cette modestie n’est maintenant qu’une coquetterie superficielle, tant les contemporains, bercés dans la magnificence du glorieux empire, goûtent le luxe comme leur pain quotidien.

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Education : l’enseignement philosophique

Depuis les Grecs anciens jusqu’aux Lumières, la philosophie est la discipline qui englobe tout : elle est le questionnement, par l’usage de la raison, sur toute chose et tout mécanisme universel, naturel ou humain. Elle est autant observation attentive du monde qu’édification de principes et de systèmes. Elle conçoit et s’appuie sur des outils que sont les sciences et la logique. Pythagore, Thalès, Platon, Aristote, Descartes, Hobbes, Pascal, Newton, Galilée, De Vinci : autant d’exemples de penseurs globaux, de savants pour qui science et philosophie ne font qu’un. La position de la thèse de Husserl, dans La Krisis, est que

L’irruption de la philosophie, prise en ce sens où toutes les sciences y sont incluses, est le phénomène originaire de l’Europe spirituelle.

 

Ce n’est réellement qu’à partir du XIXe siècle, sous l’essor du positivisme et du scientisme, que les philosophes, les scientifiques, les économistes, les psychologues, les historiens, les physiciens, les mathématiciens, etc. deviendront des spécialistes de leur discipline, entraînant la disparition de l’honnête homme comme figure idéale du penseur.

Mais que nous enseigne-t-on au fond de cette « humanité » ? En classe de Terminale (et encore, uniquement pour le cursus du baccalauréat général en France, et de manière très minoritaire), nous avons plutôt droit à un bâclage monumental sous une forme qu’il faudrait qualifier d’ « histoire et exercices pratiques de philosophie ».

Ce qui aboutit à une conclusion que l’on entend régulièrement, reprise dans cet article par un enseignant de philosophie en classe de Terminale :

La philosophie ne sert à rien

Pour être franc, la réponse est simple : la philosophie ne sert à rien. Sa contribution au PIB national est nulle. Le discours philosophique s’attache en effet à des problèmes de toujours, qui ne seront jamais refermés. Il ne donne pas de solution, il ne produit pas de certitude, il ne pose pas de point final. Parce qu’elle est le lieu d’une recherche de la vérité.

 

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Économie de mots : économie de cerveau !

T’es qu’un produit / de supermarket
T’es supermarkété / et superformaté
T’es configuré / et paramétré
C’est fou ! Tu plais !

Comme par la production mainstream, les originalités, les alternatives, les « curiosités » seraient-elles menacées par l’hégémonie du moteur de recherche international, Google ?

Car, en tant que moteur de recherche dominant (il suffit d’aller faire un tour ici, Google écrase la concurrence avec près de 90% de part de marché dans le domaine des moteurs de recherche sur Internet), c’est Google qui édicte les lois d’un « bon » référencement (ou SEO : Search Engine Optimization), c’est-à-dire les règles que tout site Web a fortement intérêt à respecter sous peine de ne pas arriver en bonne position dans les résultats de recherche.

Est-ce que ces règles, édictées unilatéralement par ce moteur de recherche, et fréquemment modifiées, tout comme l’obligation d’adopter de « bonnes pratiques » (toujours selon Google), n’inciteraient pas à une uniformisation du Web et restreindraient la créativité, aussi bien dans la forme que dans le fond ?

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Faim !

Découvert et lu Faim, de Knut Hamsun.

C’est, au 19ème siècle, l’histoire d’un écrivain que des échecs répétés ont réduit à la pauvreté et que la faim tenaille et rend fou – ou extralucide.

J’y ai trouvé la mémoire de mes dix-huit ans. J’écrivais

Dix-huit ans. Ne pas manger […] profonde lassitude, profond dégoût […] Manger, remède absolu, guérison totale. Manière de contrôler mon état maniaco-dépressif, termes que je hais.

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Père protecteur

Tout est calme
alors que je te tiens dans mes bras
chair de ma chair
et que tu me saisis
le corps et le cœur
chair de ma chair

Tout est calme
un soleil couchant contraste notre champ arasé
car la moisson fut bonne
et le temps clément

Tout est calme
tout bruisse doucement
tandis que tu me saisis

Chair de ma chair
attendons les grands bouleversements