Il y a quelque chose de dommageable à vivre au XXIe siècle : c’est que le monde est devenu une terra cognita. Pire, c’est un territoire qui paraît bien trop réduit pour l’espèce humaine, à tel point qu’on se le dispute toujours plus avidement. A tel point aussi que l’on en épuise les ressources. Bref, dans ce monde fini, il semble que l’on doive désormais apprendre à vivre parcimonieusement, c’est-à-dire à faire preuve de retenues diverses, choses désagréables s’il en est, ô combien contraires à nos passions débordantes et difficiles à admettre ; des contraintes à adopter pour des siècles certainement, que l’on désigne sous le nom de frugalité.
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Du capitalisme
La richesse des sociétés dans lesquelles règne le mode de production capitaliste s’annonce comme une « immense accumulation de marchandises ».
– Karl Marx, Le Capital
Ainsi Marx introduit-il l’œuvre de sa vie : le capitalisme comme processus d’accumulation de marchandises. Mais peut-on en rester là, à cette définition « de combat », militante ? Car c’est sous la plume des socialistes communistes Marx et Engels que naît cette définition toute particulière du capitalisme : il est étonnant et notable que l’on n’ait jamais contesté la paternité du sens de ce terme à ceux-là mêmes qui en font la critique !
A vrai dire, il y a un grand nombre de sens que revêt le mot « capitalisme », mais aucun ne plaide pour lui : rien ne semble pouvoir sauver ce vilain petit canard… Même Fernand Braudel, grand historien du capitalisme notamment, a contribué à l’opprobre ; dans La dynamique du capitalisme, il déclare :
Vous ne disciplinerez, vous ne définirez le mot capitalisme, pour le mettre au seul service de l’explication historique, que si vous l’encadrez sérieusement entre les deux mots qui le sous-tendent et lui donnent son sens : capital et capitaliste.
Le capital, réalité tangible, masse de moyens aisément identifiables, sans fin à l’œuvre ; le capitaliste, l’homme qui préside ou essaie de présider à l’insertion du capital dans l’incessant processus de production à quoi les sociétés sont toutes condamnées ; le capitalisme, c’est en gros (mais en gros seulement), la façon dont est conduit, pour des fins peu altruistes d’ordinaire, ce jeu constant d’insertion.
Il y a dans cette citation énormément d’idées qui méritent d’être reprises et développées, ce à quoi je vais me livrer ici. Pour conclure, on verra si, fidèle au conte, le vilain petit canard ne finit pas par se transformer en cygne (l’espoir fait vivre !).
Le primitivisme, ou l’anarchie anti-civilisation
Le primitivisme est une solution de repli souvent invoquée face aux errements multiples de ce que l’on nomme communément (et à tort) « la civilisation » (l’Occident). Il s’agit de revenir aux sources, au prétendu « naturel », de retrouver l’harmonie perdue d’un âge d’or fantasmé. Le primitivisme (anarcho-primitivisme) est un écologisme, et se veut une anarchie (contre l’Etat) anti-civilisation (sans développement historique). Pierre Clastres écrit :
L’histoire des peuples sans histoire, c’est […] l’histoire de leur lutte contre l’État.
– Pierre Clastres, La société contre l’État
Pour ses partisans, cette idéologie constitue la seule alternative à l’expansion effrénée des moyens de production et du gaspillage consumériste. Elle serait le seul remède vertueux (car naturel) à nos maux d’hommes trop « civilisés ». Pour comprendre la valeur et les limites de cette doctrine, il faut poser plusieurs questions :
- Qu’est-ce qu’être contre la civilisation, c’est-à-dire contre le processus civilisationnel de développement ?
- Qu’est-ce qu’un peuple an-historique ?
- En quoi une telle doctrine peut-elle être qualifiée d’anarchie ?