L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté
– Rousseau, Le Contrat Social
Or, j’ai du mal à concevoir en quoi ce qu’une « loi » que l’on se prescrit engendre la liberté. J’ai l’impression que cette phrase s’adresse aux hommes qui manquent d’imagination, à ceux qui ont besoin d’une croyance, d’une foi, d’une religiosité bien réglée par des lois : religions déistes, athéisme, matérialisme, communisme, etc…
Cette subjectivité (« que l’on se prescrit ») offre un blanc-seing à toutes les formes de comportements et de modes de vie – sans préjuger de leurs qualités ou de leurs défauts, y compris s’ils sont paradoxalement liberticides : un partisan n’est-il pas convaincu que l’obéissance dont il fait preuve est le fait de sa volonté délibérée ?
Rousseau rejoint d’ailleurs, dans ce subjectivisme moral, Kant.
Il s’agit donc moins pour Rousseau d’établir ce qui ferait principe de liberté que de proclamer que chaque individu a le droit fondamental de choisir la forme de liberté qui lui sied, et qu’il doit par conséquent disposer du pouvoir législatif pour lui permettre d’édicter les lois auxquelles il choisira de se soumettre.
En une phrase, certes plus longue que celle de Rousseau, j’énoncerais plutôt ceci :
Dans des conditions utopiques de choix et de possibilités infinis de modes de vie, l’obéissance temporaire et révocable à la loi qu’on s’est prescrite est liberté
Mais, quant aux hommes dont la quête incertaine est la vie elle-même, la recherche permanente, le changement nécessaire, l’infini des possibles, la liberté mise en abîme :
L’obéissance à la liberté est leur liberté
Ce en quoi je rejoins Pavese.