Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse
Telle est la version classique de l’éthique de la réciprocité. C’est une conception conservatrice et réactionnaire au sens premier : en réaction à ce qui nous est fait ou pourrait nous être fait, nous agissons de telle ou telle manière.
Les limites de cette doctrine sont doubles :
- la subjectivité despotique de « ce que j’accepterais qu’on me fasse, je peux donc le faire à autrui » – par exemple, si je m’astreins par choix à une ascèse, j’ai le droit d’y astreindre les autres,
- la prude prévention de « puisque je n’aimerais pas qu’on me fasse ceci, je m’interdis de le faire » – et je juge par extension que ceux qui agissent ainsi, même si ce n’est pas envers moi, ont un comportement répréhensible.
Car dans de nombreuses formes de relations et d’organisations humaines, il existe des asymétries de traitement que l’on pourrait superficiellement, et à tord, considérer comme néfastes (avec une grille de lecture « bourreau/victime ») alors qu’elles sont le fruit d’un consentement mutuel délibéré (aussi pervers pourrait-il sembler, car, idéalement, « chaque personne est un choix absolu de soi »).
Une version libertaire de cette maxime pourrait alors être :
N’impose pas à autrui ce qu’il ne t’a pas consenti
Une introduction de la notion de consentement qui ouvre très largement le champ des possibles, mais qui nécessite une condition fondamentale : que la soustraction à une relation consentie dans le passé soit à tout moment permise. C’est particulièrement criant dans le contexte du consentement par la tradition – qui ressemble d’ailleurs moins à un consentement qu’à une soumission (même si elle est individuellement acceptée).
On retrouve ici des similarités avec la critique de l’idée de liberté de Rousseau, permise à condition de pouvoir révoquer à tout moment le contrat (la « loi ») qui nous lie.