Subjectivité et objectivité : concepts absolus

Objectivité et subjectivité sont deux concepts fondamentaux qui relèvent d’idéaux inaccessibles. Une double impossibilité. Il s’agit du même infini, donc du même néant. Imaginons une droite (dont on sait qu’elle est définie par deux points et par une longueur infinie) dont on trouverait aux « extrêmes inatteignables » :

  • l’objectivité pure : supposerait de pouvoir penser « hors soi »
  • la subjectivité pure : supposerait de pouvoir penser « en soi »

Aristote (dans sa Métaphysique) confronte la thèse de Protagoras qui énonce :

L’être humain est la mesure de toute chose.

Ce qui signifierait que tout est purement subjectif, puisque de chaque être humain émane la mesure de toute chose, mais comme les êtres humains peuvent (et doivent) émettre des opinions contradictoires sur un même objet, il ne pourrait y avoir de vérité en soi.

Aristote réfute cette thèse en énonçant le principe fondamental de non-contradiction : une chose ne peut être à la fois « ceci » et le contraire de « ceci », ou être et ne pas être en même temps.

Hamlet Branagh
Être ou ne pas être ? Il va bien falloir choisir !

Pour Aristote, donc, entre deux camps aux opinions contraires, si les uns sont dans le vrai alors les autres sont nécessairement dans le faux. Il existe par conséquent une vérité en soi, purement objective.

Pour ma part, je crois que Protagoras et Aristote ont partiellement raison, ou partiellement tort. Je donne raison à Protagoras s’il parle de la subjectivité de ce qui est du domaine de l’humain : c’est-à-dire ce sur quoi notre volonté peut s’exprimer. Et je donne raison à Aristote s’il parle des choses concrètes et mesurables qui s’imposent à nous, et sur lesquelles notre volonté n’a pas d’influence quant à leur nature.

La pyramide des besoins de Maslow nous offre l’opportunité d’y voir plus clair dans cette dichotomie entre les domaines de l’objectif et celui du subjectif, et d’en tirer des conséquences primordiales.

 

Quel que soit le cas, on doit de toute manière se confronter au matérialisme, à la physique et à la chimie : le fait que nos pensées proviennent de notre corps, de notre cerveau plastique, matière-au-monde, existant donc nécessairement dans un contexte. Le siège de la conscience est notre réseau neuronal. Dire que la conscience n’est pas la conjugaison de ces potentiels électriques, c’est croire en l’âme – mais personne n’a jamais vu une âme, alors qu’un cerveau et des neurones, si !

En cela, je rejoins les thèses de Locke et Hume qui réfutent Descartes et ses notions d’âme et d’inné pour l’esprit humain (par exemple, pour Descartes : Dieu serait une pensée innée) : toute pensée provient de notre perception de l’environnement :

Toute idée dérive d’une impression

– Hume

 

Ainsi, même si l’on fabriquait un cerveau « vivant » sans son corps, en laboratoire, son activité ou sa production (ses « pensées ») ne serait pas plus « objective » ou « subjective » que les pensées qui sortent par exemple du cerveau situé dans ma boîte crânienne. Ce cerveau subirait tout de même l’effet de son environnement sur sa plasticité. Ainsi, privé des sens de la vue, de l’ouïe, du goût, baignant dans son bouillon de culture cellulaire en suspension… il aurait sa « spécificité », nécessairement conditionnée par cet environnement, nécessairement biaisée (au sens de biais cognitif, qui sont nombreux !).

Conséquences sur deux domaines fondamentaux :

  • La rationalité : recherche de la vérité – seule persiste la validation par l’expérimentation empirique, c’est-à-dire la vérification matérialiste (et matérialisée) de l’hypothèse pensée.
  • La morale : l’aboutissement à la conclusion indépassable de l’absence de morale objective. Malgré les développements florissants et passionnants de nombreux philosophes, les conclusions induites sont, en leur portée pragmatique, sinon inutiles, trop souvent décevantes.

Et les conclusions positives auxquelles nous conduisent ces conséquences :

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