Tous les articles par p-uniques

De l’usage néfaste du slogan

Le slogan est devenu le format d’expression privilégié, pour un ensemble de raisons qu’il est nécessaire de démystifier. Chaque jour apporte son lot de nouveaux slogans, qui rencontrent des succès divers. On baigne tellement dans cette accumulation névrotique que le slogan est quasiment devenu un moyen d’expression naturel. Il n’est plus fabriqué en laboratoire par des docteurs ès-communication pour appuyer une stratégie commerciale ou politicienne ; il est devenu un trait d’esprit quasi-instantané, une bonne blague ou un saut d’humeur.

Démocratisé, le slogan. Si bien qu’on devient indifférent à cet objet du quotidien. Anodin, l’est-il vraiment pour autant ?

Toute chose devenue si familière qu’on ne la remarque plus mérite suspicion.

Voilà une bonne devise paranoïaque et de prudence essentielle. Dans Fight Club, cela est dit autrement :

Les choses que l’on possède finissent par nous posséder.

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Un appartement fort bien achalandé

Mais cette précaution est autant valable pour les objets de consommation et nos prétendus besoins d’équipement que pour les habitudes et pensées tellement ancrées en nous que nous ne savons plus les différencier de nous-mêmes : nous leur appartenons.

Les slogans font définitivement partie de cette vermine insidieuse.

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De l’importance des (re)définitions

Les deux grands intellectuels ennemis sont au moins d’accord là-dessus, et ce n’est pas moi qui vais les contredire :

La fonction de l’écrivain est d’appeler un chat un chat. Si les mots sont malades, c’est à nous de les guérir.

– Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?

 

Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde.

– Attribué à Albert Camus

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Se faire mettre à l’amende par un gus en soutane

Le Pape François 1er a asséné quelques douloureuses vérités lors de son discours au parlement européen à Strasbourg, le 25 novembre 2014.

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Le point blanc au centre, c’est François 1er

Pas de quoi chambouler un hémicycle de vieux briscards de la politique ? Pas si sûr…

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Les vendeurs d’avenir

Comment prend-on ses décisions ?

Selon deux types de critères : le premier correspond à ses valeurs et ses croyances propres, ce que l’on croit juste de décider. Le second est l’anticipation de l’avenir. Ce second type de critères se décompose lui-même en deux axes :

  • Ce qu’il est possible qu’il advienne en décidant telle ou telle chose d’une part : c’est notre capacité estimée à influencer le futur.
  • Ce que nous croyons qu’il adviendra nécessairement, et que nous devons prendre en compte dans nos choix : c’est le futur qui s’impose à nous.

Or, moins on est sûr de ses valeurs, moins on croit en sa capacité à influencer l’avenir, et plus on va considérer l’avenir comme un mouvement inéluctable que l’on a intérêt à anticiper afin qu’il nous soit favorable. Est-ce à cause d’une défiance généralisée et d’un manque de confiance en eux que les politiciens font pulluler les vendeurs d’avenir auprès d’eux ?

L’ouvrage La politique des oracles : raconter le futur aujourd’hui de Ariel Colonomos nous dépeint cette situation fort peu engageante. Je laisse le soin à son auteur de le présenter :

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Mes aïeux et mon pedigree

Comme j’ai critiqué les influences arbitraires qui gouvernent notre pensée et font de nous des héritiers plutôt que des discordants, il est donc honnête que je procède à l’élucidation de mon pedigree.

Je dois donc ouvrir la porte aux fantômes, à ces images et récits de ma jeunesse que je sais travailler pour toujours mon inconscient.

 

Je hais les voyages et les explorateurs.

– Claude Lévi-Strauss, incipit de Tristes Tropiques

 

 

Je vais vous parler de mes aïeux, qui ne furent ni des voyageurs, ni des explorateurs, mais qui vécurent cent vies chacun, en hommes d’action cosmopolites.

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Des richesses à la richesse : un dévoiement du progrès en capital ?

On fait souvent une confusion entre la richesse et les richesses.

C’est un problème de fond, qui fait que l’on croit qu’il faut que des individus s’enrichissent pécuniairement (ils obtiennent alors la richesse) pour produire des richesses, c’est-à-dire, pour employer provisoirement un champ très large, de l’activité économique. C’est la confusion que Macron laisse échapper lorsqu’il déclare :

L’économie du Net est une économie de superstars. Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires.

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Amoureux des belles mécaniques : confession d’un vice

Il faut que je confesse ma passion pour la voiture, la moto, et tout ce que la mécanique permet de mouvoir en profitant de sensations uniques.

Il faut confesser, car ces temps-ci, les gens comme moi sont vilipendés. Nous serions d’affreux renégats, d’horribles irresponsables contributeurs au réchauffement climatique et à la dégradation de la santé pulmonaire de nos compatriotes.

Fi de tout cela !

Je vous parle de passion, pas de la masse grouillante qui s’enferme dans les bouchons matin et soir, pas des dingues du volant, surexcités par le stress, l’injure aux lèvres, le pied lourd dans un environnement urbain accidentogène où se mêlent piétons, cyclistes et scooters, ni des chauffards en scooter, justement, qui ont le sentiment d’être prioritaires partout et redressent les torts à grands coups de bottes dans les portières.

Je vous parle de quelque chose de désuet et de rare, qui est l’esprit du gentleman driver combiné à l’amour de la villégiature roulante (road trip) : un amateur éclairé, hédoniste, qui sait apprécier des courbes et des arêtes, des odeurs d’échappement et d’huile, une musicalité d’acier et d’aluminium, et des sensations grisantes de vitesse et de contrôle ou la détente libertaire d’une flânerie sur des chemins de traverse.

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Quelque chose comme le bruit et la fureur d’un V8 les cheveux au vent (modèle : AC Cobra)

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L’économie automobile : un symbole d’hérésie anti-écologique

Cessera-t-on un jour du faire du neuf avec du vieux ? Non pas que je sois contre l’idée du recyclage, mais lorsqu’il s’agit de politique, il faut bien admettre que l’on a jamais construit l’avenir avec les recettes du passé. Employer de vieilles ficelles, c’est d’abord masquer que l’on est incapable d’innover.

Alors voici l’idée génialement désuète de Mme Royal : comme on veut à tout prix que ces ânes de Français achètent des véhicules électriques car « ça, c’est l’avenir », on se retrouve obligé de manipuler le marché, qui lui, ne veut pas entendre parler de véhicules à l’autonomie ridicule et au tarif prohibitif. En d’autres termes, on est forcé d’influencer l’offre ou la demande (ou les deux) afin qu’elles puissent se rencontrer. Comment fait-on ? On offre des primes pour l’achat de véhicules électriques, conditionnées par la mise au rebut d’un vieux tacot carburant au Diesel (pour un écologiste écervelé, c’est le diable à quatre roues).

Oui, vous ne rêvez pas, c’est le retour des primes à la casse, mises en œuvre en 1995 par le gouvernement Juppé (oui, vous savez, le Premier Ministre « droit dans ses bottes »).


Il était pas mignon, cet énarque dans la force de l’âge ?

Et bien, vingt ans plus tard, le gouvernement a changé de bord, mais on nous ressert la même soupe. Il faut dire qu’il est grand temps de mettre aux ordures les tas de ferraille que précisément Juppé nous a aidé à acheter.

Et on n’y va pas avec le dos de la cuiller ! Jusqu’à 10 000 € d’aide (« à condition de mettre à la casse une voiture diesel mise en circulation avant le 1er janvier 2001 ») ! Normalement, avec un tel niveau d’incitation, une grande partie de la demande devrait devenir solvable, sauf que…

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L’économie du partage : une éclipse capitaliste en perspective ?

J’ai fait la connaissance récente de Jeremy Rifkin à travers quelques articles concernant ses ouvrages, dont celui-ci.

Jeremy Rifkin
Jeremy Rifkin : look old school, idées à l’avenant ?

Vous allez me dire : « encore un vieillard profiteur qui vient nous donner des leçons sur un avenir qu’il a (et ses congénères) déjà largement compromis ! »

C’est vrai qu’avec son crâne dégarni, sa moustache anachronique, son costume sur-mesure avec pochette et sa cravate bariolée, on ne s’attend pas à des prophéties lumineuses. Délit de sale gueule que nous ferions !

Penchons-nous un peu plus sur son ouvrage La Nouvelle Société du coût marginal zéro, afin de savoir si Rifkin redécouvre la roue ou donne véritablement quelques vues saisissantes sur ce que pourrait être le monde de demain.

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Ce dont ils rêvent (et feraient mieux d’y réfléchir un peu plus !)

Je suis tombé sur un article véritablement atterrant, où l’on nous parle de « rêves » de politiciens.

Franchement, je ne croyais jamais dire ça, mais je préfère encore savoir ce qu’ils pensent quand ils sont en train de se raser que ce que leur inconscient nourrit. Sarkozy ne nous avait pas surpris quand, en 2003, il répond à Duhamel :

Au moins, lui est cohérent du matin ou coucher, et en dormant : la présidentielle, c’est en se rasant, en déjeunant, en enfilant son pyjama et en rêvant !

Ca peut sembler ridicule (et ça l’est, assurément), mais au moins on sait à quoi s’en tenir.

Rien n’est plus rassurant qu’un politicien qui rêve de devenir Président de la République.

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