Fuir. Fuir hier les Ceausescu, les Mobutu, les Pinochet… Fuir aujourd’hui les Bachar, les Afeworki, les Daech, les Boko Haram, les Shebabs…
Partir, la sueur salée, piétiner, vaincre le désert, on ne naît pas pour mourir emportés par les mirages du sable ; survivre et marcher vers la mer. Et grâce à la vie, espérer ; espérer : accoster sur l’autre rive de la vie et être accueilli les bras ouverts ! Être accueilli ! Nous sommes tous reliés les uns aux autres comme les fils d’une même toile d’araignée, n’est-ce pas ?
L’émigration ou la mort. Je ne parle donc pas de l’expatrié pour raisons éducatives, économiques ou fiscales. Je ne parle pas de celui qui a le bon passeport pour franchir les frontières, ou qui possède la bonne ambassade pour lui délivrer un visa en bonne et due forme.
Je parle bien ici d’émigration et pas d’immigration, c’est-à-dire que je prends dans cet article le point de vue du migrant, et non celui de l’accueillant. La problématique de l’accueillant est aussi importante ; elle sera traitée dans un prochain article.
Cette excellente vidéo du Monde (de la série Cartes sur Table, source ici) présente l’état des lieux des migrations subies de populations vers l’Europe :
Voilà que nos nouvelles Rock Stars ne sont pas si rock’n’roll qu’elles en ont l’air… Bon, certes, se balader toute la journée en tongs et en sweat-shirt n’a rien de rock’n’roll, quoique…
Enfin, voilà, rock’n’roll comme le Dude (The Big Lebowski), quoi… d’une coolitude démesurément cool.
Ces rock stars numériques suscitent la même fascination auprès de la jeunesse que les rock stars old-school qui hurlaient dans les micros et fracassaient des guitares sur scène. La biographie de Jimmy Iovine est d’ailleurs emblématique de cette évolution : vieux routier des studios, producteur, fondateur d’une maison de disques, hommes d’affaires (co-fondateur de Beats avec Dr. Dre) puis patron de Apple Music. Il déclare dans Wired :
Perhaps it’s no coincidence that standout technologists are referred to as “rock stars”—they’re providing the sense of connection and awe that their musical forebears once did. Teenagers used to fantasize about becoming the next Jimmy Page; now they dream of becoming the next Larry Page. They wax nostalgic about the first time they used Snapchat, not the first time they heard “Smells Like Teen Spirit.”
“If you tell a kid, ‘You’ve got to pick music or Instagram,’ they’re not picking music,” Iovine says. “There was a time when, for anybody between the ages of 15 and 25, music was one, two, and three. It’s not anymore.”
(Peut-être n’y a-t-il aucune coïncidence dans le fait que l’on qualifie de « rock stars » les génies des nouvelles technologies – ils produisent le même sentiment de connexion et d’admiration que leurs aïeux musicaux. Les adolescents fantasmaient de devenir le prochain Jimmy Page ; maintenant, ils rêvent de devenir le prochain Larry Page. Ils deviennent nostalgiques de la première fois où ils ont utilisé Snapchat, pas de la première fois où ils ont écouté « Smells Like Teen Spirit« . « Si vous demandez à un gamin ‘choisis entre la musique et Instagram’, il ne choisira pas la musique », dit Iovine. « Il fut un temps où, pour tous les jeunes de 15 à 25 ans, la musique était l’alpha et l’omega. Ce n’est plus le cas désormais. »)
Mais si les rock stars s’étaient métamorphosés en une autre forme de rock star, il n’y aurait pas de souci. L’inconvénient, c’est que ces nouvelles rock stars ressemblent plus à leurs aînés qu’ils ne les bousculent. Ça ne sent plus tellement le Teen Spirit, mais plutôt le White Spirit conservateur et cynique (WASP) – en d’autres termes : ça pue.
Rien ne semble aussi saugrenu qu’un coup d’Etat en France, de nos jours. Qui plus est quand le chef de l’Etat prend l’apparence d’un gros bourgeois débonnaire.
Instiguer un coup d’Etat contre Hollande ! C’est comme si on voulait renverser le Duc d’Orléans contre la monarchie, faire dissidence dans le fort Boyard ou prendre d’assaut un château médiéval en ruines ! Franchement, cela vaut-il la peine de se lever le matin ?
Petite agitation habituelle dans le Landerneau politique : cette fois, il s’agit du méchant, mauvais, horrible, atroce, frontiste, fasciste Robert Ménard qui dirige d’une main de fer cette pauvre ville de Béziers.
Mais rendez-vous compte ! Les fantômes du passé ressurgissent, la bête immonde revient ! Voilà-t’y-pas qu’on compte les gens, dans le Sud de la France ! Et pour quoi faire ? C’est évident, pardi ! De la déportation, de l’extermination de masse ! Ces gens-là sont comme ça, ils seront toujours possédés par leurs instincts de mort !
Si seulement le ridicule pouvait tuer !
A chaque fois que j’entraperçois ce genre de tirades rocambolesques, je me remémore exactement la fin du superbe Croix de Fer (Cross of Iron) de l’excellent Sam Peckinpah : le rire hystériquement moqueur de James Coburn et la citation finale de Bertolt Brecht, en lettres de sang :
Don’t rejoice in his defeat, you men. For though the world stood up and stopped the bastard, the bitch that bore him is in heat again.
(ma traduction : ne vous réjouissez pas de sa défaite, vous autres. Car même si le monde s’est dressé pour en finir avec le bâtard, la salope qui lui servit de mère est de nouveau en chaleur.)
On continue (jusqu’à quand ? la prochaine scène…) avec la tragi-comédie grecque ! Après des débuts hautement prometteurs, l’ensemble de la troupe remet le pied à l’étrier pour nous livrer une seconde charge de rires et de larmes.
Mais il semble que parmi cette bande de guignols, il en est un qu’on avait sous-estimé et qui revient pour voler la vedette : c’est Alexis Tsipras !
Pour montrer qui c’est le patron, il entonne un hymne à sa légende :
Je suis pour le communisme
Je suis pour le socialisme
Et pour le capitalisme
Parce que je suis opportuniste
Jacques Dutronc, L’Opportuniste (live 1992)
Car Tsipras en est un beau ! De l’espèce d’opportuniste politicien la plus cynique qui soit !
Ça alors ! La dignité pour tous, à portée de main ! Sans assistanat ni paternalisme, de surcroît ! L’autonomie, que dis-je, la liberté ! Où dois-je signer ?
A travers la vision de Koenig et de Basquiat, j’ouvre le versant soi-disant « libéral » du sujet – que je préfère qualifier, disons-le tout de suite, de pseudo-libéral de droite dure, caché derrière « les meilleures intentions du monde », cela va de soi !
Pour les partisans d’un revenu de base élevé (lire en priorité cet article à ce sujet, et lire cet article qui résume pas mal des thèses associées au revenu universel), c’est la promesse de la fin des travaux jugés dégradants, contraignants ou pénibles qui justifie leur approche : c’est une visée sociale de libération de l’individu de ces emplois aliénants. Ne plus avoir à accepter ce genre d’emploi serait bénéfique en soi, et il s’accompagnerait en outre d’un nouveau modèle de société au sein duquel chaque individu serait libre de choisir la manière d’occuper son temps, sans la contrainte d’avoir à gagner sa vie de manière abrutissante.
Si la conclusion paraît naturellement attrayante et enviable, je pense que jamais l’instauration d’un revenu de base ne permettra d’arriver à ces résultats, et qu’une telle mesure serait au contraire contre-productive.
Car disons-le tout de suite : je ne crois pas aux Bisounours !
Franchement, en m’enquérant de la question de la pauvreté et du montant de revenu permettant de vivre décemment en France, je ne me doutais pas que j’allais lever un lièvre de cette ampleur. L’ignorance a ses vertus, et je découvre à la fois amusé et pétrifié d’effroi, comme Alice au pays des merveilles, le grand lapin blanc que voici : le revenu universel ! (et ses nombreuses autres appellations)
Références et jalons
Mais commençons par le commencement, en posant quelques repères bienvenus – car on verra dans quel fatras on va rapidement se retrouver !
Le document [rapport annuel de l’ONPES] révèle les conclusions d’une enquête menée depuis trois ans pour évaluer les «budgets de référence», nécessaires pour «une participation effective à la vie sociale». Cette étude s’inscrit dans une réflexion menée au niveau européen, visant à déterminer «un revenu minimum décent».
On lira l’article cité ci-dessus et le rapport de l’ONPES pour consulter les différentes demandes subjectives effectuées par les personnes interrogées par l’ONPES pour déterminer les « besoins » correspondant à cette « participation effective à la vie sociale », c’est-à-dire, en résumé, vivre relativement confortablement et profiter convenablement de ce qu’offre le niveau de vie en France. Le rapport indique notamment s’appuyer sur la méthode du consensus éclairé, c’est-à-dire de demander leur opinion aux principaux intéressés (les citoyens) plutôt que de concevoir un cadre théorique.
Voilà donc le niveau de revenu auquel le Français de 2015 prétend a minima : en dessous de celui-ci, il se trouverait par conséquent frustré car privé d’un certain nombre de possibilités offertes par la société contemporaine.
Ont été retenues les zones où plus de la moitié de la population vit avec moins de 11 250 euros par an et par foyer, soit 60% du revenu médian national (avec une pondération selon le niveau de vie dans l’agglomération). Environ 1 300 quartiers de 700 communes seront désormais concernés.
[…]
Après un premier programme entamé en 2003 qui a concerné 500 quartiers et doté de 12 milliards d’euros de subventions, l’Etat doit lancer à l’automne un second programme avec 5 milliards de fonds publics. En bénéficieront 200 quartiers qui figurent sur la nouvelle carte de la pauvreté et qui présentent les « dysfonctionnements urbains les plus importants ».
Des zones composées de foyers qui gagnent en moyenne un peu moins de 1 000 € par mois sont considérées représenter des îlots de pauvreté pour lesquels doit être entamée une action prioritaire. Ce qui est cohérent avec l’estimation du seuil de pauvreté en France : 987 € en 2012. « En 2012, 13,9 % de la population française vit en dessous du seuil de pauvreté ».
Pour nos concitoyens, le riche c’est celui qui gagne en gros deux à trois fois plus que celui qu’on interroge : 4500 euros pour les Français aux revenus les plus modestes (moins de 1 500 euros de revenus par mois), 5000 euros pour les 50% de Français aux revenus moyens (2 500 euros par mois) et 8 000 euros pour les 25% de Français gagnant plus de 3 500 euros par mois.
La richesse perçue est corrélée à son propre niveau de revenu et surtout a très nettement baissé depuis ces dernières années.
Alors que les Français interrogés en 2011 considéraient que l’on est « riche » à partir d’un revenu de 6000 euros par mois, ce seuil est tombé 4 ans plus tard à 5000 euros par mois. Pour le patrimoine on considérait que l’on était « riche » en 2011 à partir de 1.000.000 d’euros. 4 ans plus tard, ce niveau a été divisé par deux pour chuter à 500.000 euros aujourd’hui.
Le slogan est devenu le format d’expression privilégié, pour un ensemble de raisons qu’il est nécessaire de démystifier. Chaque jour apporte son lot de nouveaux slogans, qui rencontrent des succès divers. On baigne tellement dans cette accumulation névrotique que le slogan est quasiment devenu un moyen d’expression naturel. Il n’est plus fabriqué en laboratoire par des docteurs ès-communication pour appuyer une stratégie commerciale ou politicienne ; il est devenu un trait d’esprit quasi-instantané, une bonne blague ou un saut d’humeur.
Démocratisé, le slogan. Si bien qu’on devient indifférent à cet objet du quotidien. Anodin, l’est-il vraiment pour autant ?
Toute chose devenue si familière qu’on ne la remarque plus mérite suspicion.
Voilà une bonne devise paranoïaque et de prudence essentielle. Dans Fight Club, cela est dit autrement :
Les choses que l’on possède finissent par nous posséder.