Je dois donc ouvrir la porte aux fantômes, à ces images et récits de ma jeunesse que je sais travailler pour toujours mon inconscient.
Je hais les voyages et les explorateurs.
– Claude Lévi-Strauss, incipit de Tristes Tropiques
Je vais vous parler de mes aïeux, qui ne furent ni des voyageurs, ni des explorateurs, mais qui vécurent cent vies chacun, en hommes d’action cosmopolites.
Finalement, nous prîmes la route du retour vers Utopia, capitale du royaume. Les détails de sa fondation restent obscurs. Dans l’antique bibliothèque d’Antioche, de vieux parchemins parlent d’une nouvelle Byzance érigée à l’Ouest de la Mer Intérieure par des esclaves affranchis de l’Empire romain.
Quand un étranger s’éblouit devant la magnificence actuelle de la cité, il n’est pas un Utopien pour lui rappeler qu’elle ne fût à l’origine qu’un campement de réfugiés venant de toutes les parties de l’Empire Romain décadent. Cette modestie n’est maintenant qu’une coquetterie superficielle, tant les contemporains, bercés dans la magnificence du glorieux empire, goûtent le luxe comme leur pain quotidien.
Étant donné que je ne suis ni neurochirurgien ni neurobiologiste, je ne vais pas m’étendre sur un éventuel état de l’art scientifique de cette discipline, mais j’aborderai ce sujet sous l’angle fondamental de la compréhension de notre subjectivité et de notre responsabilité en tant qu’individus capables de libre arbitre :
En préambule, il faut dire ceci : que le « programme » que j’envisage est irréalisable en une année d’enseignement. Il faudrait au moins compter trois années, avec des élèves pris à l’âge de 15 ans.
Ce que philosopher devrait être : une ouverture, un décrochage du temps présent, une sortie de soi-même et de la société, une aventure des possibles, des tentatives personnelles et globales. Car il me semble fondamental pour la construction de l’esprit d’innovation, d’éviter de laisser la jeunesse baigner dans sa marinade (celle dans laquelle on l’a plongée).
J’ai toujours le sentiment de tailler le biface dans la caverne.
En quoi différons-nous de l’homme préhistorique ? Notre existence est-elle si différente ?
Nous avons ce fait nouveau, pour les plus chanceux d’entre nous : la certitude de notre subsistance, par l’octroi de droit d’un ensemble de moyens sécuritaires, alimentaires et médicaux garantis par la société dans laquelle nous vivons. Mais au profit de quoi, sinon ce profit lui-même ? Car on a fait société d’abord pour s’assurer de combler ces besoins primaires. Les projets idéologiques (« utopies » au sens commun, auquel je ne souscris pas) sont venus après, et il semble qu’ils ont tous mené à l’impasse en étant abandonnés ou trahis.
On ne regrette jamais ce qu’on n’a jamais eu. Le chagrin ne vient qu’après le plaisir et toujours, à la connaissance du malheur, se joint le souvenir de quelque joie passée. La nature de l’homme est d’être libre et de vouloir l’être, mais il prend facilement un autre pli lorsque l’éducation le lui donne.
Disons donc que, si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude.
Consciousness Began When the Gods Stopped Speaking
– Julian Jaynes, The Origin of Consciousness in the Breakdown of the Bicameral Mind
(ma traduction : la conscience est apparue lorsque les dieux se sont tus)
Un excellent article présente le travail de Julian Jaynes sur la notion de la conscience. Ce dernier prend l’exemple des grecs anciens, qui, comme le montre selon lui le récit de l’Illiade, étaient guidés par les voix des dieux qui leur conseillaient d’agir de telle ou telle manière. La disparition de ces voix divines serait pour lui l’origine de la conscience – la prise de conscience.
Si l’on étend cette idée, il faut comprendre que tout ce que l’on considère encore comme un dieu nous empêche d’accéder à la conscience des choses.
Or, les dieux aujourd’hui ne sont plus des entités éthérées prenant forme humaine (ou autre) à leur guise, et qui gouvernent les forces de la nature : ceux-ci nous paraissent folkloriques.
Notre vie vaut mieux que la succession des journées qui la composent
Vision holiste de la vie : ce qui donne du sens, du liant, et fait que l’on ne se répète pas à l’identique jusqu’à notre mort, c’est la recherche de sens.
L’espace public subit en certains lieux, ou à certains moments, des transformations qui en modifient la nature.
Initialement, l’espace public est un lieu de discrétion, permettant de se sentir libre de toute contrainte ou regard. Le confortable anonymat, étranger parmi les étrangers, dans l’égalité et l’auto-contrôle.
Mais parfois, il devient lieu de revendication, où la neutralité est perçue comme une faiblesse. L’expression de soi comme preuve de son existence, moyen de reconnaissance sociale. Faire du bruit, prendre de la place. Apostropher.