Archives de catégorie : Thèmes

Le prix du savoir

Toujours se méfier des gens qui disent vouloir votre bien et qui commencent par s’intéresser à vos biens !

Ceux-là, quels que soient leur production, leur attitude, leur sympathie apparente et leur mode de communication, pensent toujours à une chose avant tout : eux-mêmes.

Car, qu’est-ce qu’écrire et faire publier un livre ? Un moyen, d’abord, de gagner sa vie : par conséquent, il faudrait fixer un prix au savoir, donc, nécessairement, s’intéresser à l’argent que le public serait prêt à donner pour acquérir l’ouvrage en question. La relation de l’écrivain au lecteur, Sartre la définit dans Qu’est-ce que la littérature ? :

L’écrivain, homme libre s’adressant à des hommes libres, n’a qu’un seul sujet : la liberté.

Posture idéaliste que Sartre reconnaît lui-même comme telle. Il semble qu’une relation de nature bien plus pragmatique lui soit substituée : celle de l’offre et de la demande – une économie de marché du savoir.

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Les raisons de l’émigration – humanisation des migrants

Fuir. Fuir hier les Ceausescu, les Mobutu, les Pinochet… Fuir aujourd’hui les Bachar, les Afeworki, les Daech, les Boko Haram, les Shebabs…

Partir, la sueur salée, piétiner, vaincre le désert, on ne naît pas pour mourir emportés par les mirages du sable ; survivre et marcher vers la mer. Et grâce à la vie, espérer ; espérer : accoster sur l’autre rive de la vie et être accueilli les bras ouverts ! Être accueilli ! Nous sommes tous reliés les uns aux autres comme les fils d’une même toile d’araignée, n’est-ce pas ?

– David Gakunzi (article ici)

L’émigration ou la mort. Je ne parle donc pas de l’expatrié pour raisons éducatives, économiques ou fiscales. Je ne parle pas de celui qui a le bon passeport pour franchir les frontières, ou qui possède la bonne ambassade pour lui délivrer un visa en bonne et due forme.

Je parle bien ici d’émigration et pas d’immigration, c’est-à-dire que je prends dans cet article le point de vue du migrant, et non celui de l’accueillant. La problématique de l’accueillant est aussi importante ; elle sera traitée dans un prochain article.

Cette excellente vidéo du Monde (de la série Cartes sur Table, source ici) présente l’état des lieux des migrations subies de populations vers l’Europe :


Cartes sur Table : comprendre les migrations… par Le Monde

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Le complexe Complexe Militaro-Industriel (CMI)

Le désarmement, dans l’honneur et la confiance mutuels, est un impératif permanent. Ensemble nous devons apprendre à composer avec nos différences, non pas avec les armes, mais avec l’intelligence et l’honnêteté des intentions.

– Dwight Eisenhower, 34e Président des USA (1953-1961), discours d’adieu, 17 janvier 1961

C’est ainsi qu’un président américain, dont l’exceptionnelle carrière militaire fut consacrée par le commandement de l’opération Overlord (Bataille de Normandie) qui libéra la France et conduit à la capitulation allemande, un général cinq étoiles (« General of the Army »), puis chef d’Etat Major de l’US Army, et enfin commandant suprême de l’OTAN, c’est ainsi donc qu’un ex-militaire haut gradé, chef de la première puissance mondiale, fit ses adieux au public : en prônant le désarmement et la paix d’une part, et en avertissant sur les risques encourus par le développement sans précédent du complexe militaro-industriel aux Etats-Unis :

Cette conjonction d’une immense institution militaire et d’une grande industrie de l’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. Son influence totale, économique, politique, spirituelle même, est ressentie dans chaque ville, dans chaque Parlement d’Etat, dans chaque bureau du Gouvernement fédéral. Nous reconnaissons le besoin impératif de ce développement. Mais nous ne devons pas manquer de comprendre ses graves implications. Notre labeur, nos ressources, nos gagne-pain… tous sont impliqués ; ainsi en va-t-il de la structure même de notre société.

Mais qu’est-ce que ce fameux complexe militaro-industriel (CMI) ?

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Hollande, ce fier vendeur d’armes

Parfois, on peut avoir l’impression de vivre sur une autre planète. C’est mon cas, quand j’entends parler des contrats mirobolants passés par Hollande pour la vente des avions de guerre haut-de-gamme de Dassault (les Rafale), de satellites de surveillance ou d’autres instruments de guerre (hélicoptères, frégates, navires Mistral initialement destinés à la Russie, missiles) à l’Égypte, à l’Inde, au Qatar, au Koweït, aux Emirats Arabes Unis ou encore (et surtout) à l’Arabie Saoudite. Une auto-satisfaction cyniquement neutre est, comme toujours dans le monde des affaires, de mise :

Selon un rapport du ministère de la Défense publié mardi […] « Ce résultat constitue la meilleure performance à l’export de l’industrie française de défense depuis quinze ans ». […]

Il est d’autant plus remarquable qu’il a été obtenu sur un marché difficile, caractérisé à la fois par une contraction de la demande (notamment en Europe et aux Etats-Unis) et une concurrence particulièrement vive du côté de l’offre », ajoute-t-il.

Cette tendance devrait se confirmer en 2015 après la signature en février d’un contrat pour la fourniture de 24 avions de combat Rafale à l’Egypte et d’un autre en mai pour la livraison de 24 appareils de même type au Qatar.

Forte de cette « dynamique d’augmentation de ses parts de marché », la France est ainsi « solidement établie dans la durée » au quatrième rang des exportateurs mondiaux d’armement derrière les Etats-Unis et la Russie, la Chine tendant à s’installer au 3e rang.

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Des nouvelles de l’Afrique

On nous bassine à longueur de temps que l’Afrique est le nouvel Eldorado, la nouvelle frontière, le futur de la croissance mondiale et autres grandes idées. Je souhaitais, pour les béats de la croyance en la croissance infinie et au progrès civilisationnel occidental à sens unique, énoncer quelques faits.

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Nouvelles de la croissance chinoise

L’atelier du monde ne veut plus suer ! Ces fainéants de chinois se rebiffent et leur bol de riz quotidien ne les anime plus de la même ferveur au travail que du temps jadis !

La baisse de la rentabilité des usines chinoises et taïwanaises, c’est-à-dire, pour parler plus humainement, la hausse des salaires des ouvriers chinois (+30% de 2012 à 2014 dans la ville-industrie de Dongguan, hausse du salaire minimum dans la province du Guangdong de 143€ en 2010 à 229€ en 2015) et le plus grand niveau de revendication sociale (grèves, affrontements, syndicats, refus des nouvelles générations de travailler aux mêmes conditions stakhanovistes que leurs aînés) ont fait de la Chine une terre de désindustrialisation pour les produits bas de gamme.

Apple_Foxconn_Chine
Même pas contents de participer à la glorieuse révolution économique numérique et à l’économie du partage !

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Le cynisme numérique

Voilà que nos nouvelles Rock Stars ne sont pas si rock’n’roll qu’elles en ont l’air… Bon, certes, se balader toute la journée en tongs et en sweat-shirt n’a rien de rock’n’roll, quoique…

Big Lebowski
Dans la famille du Dude, je voudrais…

zuckerberg
… le geek !

Enfin, voilà, rock’n’roll comme le Dude (The Big Lebowski), quoi… d’une coolitude démesurément cool.

Ces rock stars numériques suscitent la même fascination auprès de la jeunesse que les rock stars old-school qui hurlaient dans les micros et fracassaient des guitares sur scène. La biographie de Jimmy Iovine est d’ailleurs emblématique de cette évolution : vieux routier des studios, producteur, fondateur d’une maison de disques, hommes d’affaires (co-fondateur de Beats avec Dr. Dre) puis patron de Apple Music. Il déclare dans Wired :

Perhaps it’s no coincidence that standout technologists are referred to as “rock stars”—they’re providing the sense of connection and awe that their musical forebears once did. Teenagers used to fantasize about becoming the next Jimmy Page; now they dream of becoming the next Larry Page. They wax nostalgic about the first time they used Snapchat, not the first time they heard “Smells Like Teen Spirit.”

“If you tell a kid, ‘You’ve got to pick music or Instagram,’ they’re not picking music,” Iovine says. “There was a time when, for anybody between the ages of 15 and 25, music was one, two, and three. It’s not anymore.”

(Peut-être n’y a-t-il aucune coïncidence dans le fait que l’on qualifie de « rock stars » les génies des nouvelles technologies  – ils produisent le même sentiment de connexion et d’admiration que leurs aïeux musicaux. Les adolescents fantasmaient de devenir le prochain Jimmy Page ; maintenant, ils rêvent de devenir le prochain Larry Page. Ils deviennent nostalgiques de la première fois où ils ont utilisé Snapchat, pas de la première fois où ils ont écouté « Smells Like Teen Spirit« . « Si vous demandez à un gamin ‘choisis entre la musique et Instagram’, il ne choisira pas la musique », dit Iovine. « Il fut un temps où, pour tous les jeunes de 15 à 25 ans, la musique était l’alpha et l’omega. Ce n’est plus le cas désormais. »)

Mais si les rock stars s’étaient métamorphosés en une autre forme de rock star, il n’y aurait pas de souci. L’inconvénient, c’est que ces nouvelles rock stars ressemblent plus à leurs aînés qu’ils ne les bousculent. Ça ne sent plus tellement le Teen Spirit, mais plutôt le White Spirit conservateur et cynique (WASP) – en d’autres termes : ça pue.

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Le cynique espoir du patronat mondialisé

Le cynisme est la seule forme sous laquelle les âmes basses frisent ce que l’on appelle la sincérité.

– Nietzsche, Par-delà le bien et le mal

 

Au détour de mes lectures de presse, je n’ai pu m’empêcher de remarquer le formidable conformisme de pensée de notre patronat mondialisé. Ces grands patrons d’entreprises mondiales semblent hantés par la même mégalomanie messianique : une foi en eux-mêmes et en leur rôle fondamental au sein d’entreprises qui font chaque jour un monde meilleur.

Deux exemples en particulier : Carlos Ghosn (PDG de Renault-Nissan) et Patrick Pouyanné (successeur de l’écrasé Christophe de Margerie aux commandes de Total).

Patronat n°2 : Patrick Pouyanne
Pendant que Pouyanné se marre… (calife à la place du calife…)

Patronat n°1 : carlos ghosn
… Ghosn donne des cours très particuliers de conduite aux néophytes (« Alors là, c’est la radio. Il y a la climatisation aussi… – Ah, quand même, c’est moderne Renault ! – Oui, on a mis un GéPéeSse et le bloutousse aussi. – Pas croyable ! On est vraiment en avance dans la domotique en France !« )

Les interventions de ces grands patrons auprès des médias sont toujours un savant mélange de communication promotionnelle et de pseudo-expertise sur leur domaine (en réalité, ils ne comprennent que les executive summariesnotes pour les décideurs – que leurs équipes rédigent à leur intention).

Voyons de quoi il retourne.

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