Ma conception de l’enseignement de l’acte de philosopher

Après avoir rédigé une critique de l’enseignement philosophique contemporain ici, voici ma définition de la philosophie et de ce que je considère être sa suprême utilité – dans le cadre subjectif de ce qui serait ma barbarie.

En préambule, il faut dire ceci : que le « programme » que j’envisage est irréalisable en une année d’enseignement. Il faudrait au moins compter trois années, avec des élèves pris à l’âge de 15 ans.

Ce que philosopher devrait être : une ouverture, un décrochage du temps présent, une sortie de soi-même et de la société, une aventure des possibles, des tentatives personnelles et globales. Car il me semble fondamental pour la construction de l’esprit d’innovation, d’éviter de laisser la jeunesse baigner dans sa marinade (celle dans laquelle on l’a plongée).

D’abord, pour démontrer l’utilité concrète de la philosophie, étudier la philosophie à travers les utopies : (cette liste étant uniquement présente à titre illustratif)

  • Les Grecs Anciens : la Démocratie et la République
  • Les religions et leurs institutions : Christianisme, Islam, Judaïsme, Hindouisme, Bouddhisme, Taoïsme, etc.
  • Machiavel, Hobbes, Locke, Rousseau : étude des pouvoirs temporels, de l’instrumentalisation des religions par ceux-ci ; théories du Contrat Social
  • Lumières : Universalisme, Droits de l’Homme et laïcité
  • Montesquieu : De l’esprit des lois
  • Kant : Vers la paix perpétuelle
  • Adam Smith et Ricardo : pensée économique libérale de marché
  • Hegel : sens de l’Histoire
  • Marx : communisme et lutte des classes
  • Proudhon et Bakounine : anarchisme
  • Frédéric Bastiat, Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville : libéralisme
  • Nietzsche : la volonté de volonté, la condition humaine
  • Deuil de l’utopie et instrumentalisation de la pensée au XXe siècle : l’intellectuel au service de la propagande des pouvoirs temporels (fascisme, maoïsme, guévarisme, soutien aux Khmers Rouges, à l’URSS, néo-conservatisme, nationalisme, islamisme, consumérisme falot et abdiquant, poutinisme, etc.)
  • etc.

Donc montrer, après un parcours de l’histoire des philosophies et de leurs influences dans le monde, qu’aujourd’hui, l’absence de sens est la cause du manque d’idées utopiques, de nouveaux modèles d’espoir ; que les philosophes contemporains ne sont plus porteurs d’utopies.

Faire aborder l’acte de philosopher comme un acte de « création » : reprendre ses connaissances, les intégrer et construire sa « pensée nouvelle » via l’usage de sa conscience et de sa raison. Initier cette création de la pensée par un moyen concret, contemporain et utile, qui va permettre de dérouler la bobine des savoirs en obligeant à découvrir, comprendre, utiliser, confronter, critiquer, etc. Proposer par conséquent aux élèves d’écrire la philosophie d’aujourd’hui pour demain, de philosopher en tentant de concevoir une utopie, et d’en aborder les problématiques : personnelle (égoïste ?) ou globale (totalitaire ?), prise en compte des enjeux du monde (donc simplement une politique ?), nécessité de rassembler les savoirs et de prendre connaissance du monde au-delà de ses limites culturelles (ethnocentrisme), relation à l’autre (inspirations et influences réciproques), etc.

Féconder le passé en engendrant l’avenir, tel est pour moi le sens du présent

– Nietzsche

Tel serait donc pour moi le sens de l’acte de philosopher. Et ce vers quoi devrait tendre son enseignement.

 

Mais avant de pouvoir engendrer l’avenir, il faut non seulement connaître le passé, mais aussi douter de ce passé, de son héritage et du regard que nous avons sur lui.

Apprendre la philosophie, ce serait tout d’abord passer par trois étapes préalables à l’acte de philosopher :

  1. Semer le doute en soi
  2. Apprendre à désapprendre, car toute leçon que l’on ne s’est pas donnée à soi-même est sans valeur (voir la citation de Schopenhauer ici)
  3. Abdiquer ses croyances

 

Afin de redevenir un homme pré-historique et de considérer sa vie et la vie comme à écrire:

Strummer - the future is unwritten
Joe Strummer – The Future Is Unwritten

 

Que la philosophie ne conduise pas à des « vérités absolues » qui sont autant d’impasses et d’erreurs, mais qu’au contraire, elle nous laisse seuls au milieu du gué, fondamentalement seuls face à nous-mêmes et à nos libertés ; changer sa vie, commencer à réapprendre pour devenir soi-même.

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