Sisyphe a un passé, une histoire, un cheminement et des choix personnels profonds qui l’ont conduit là où il est. Sa vie est moins devant lui que derrière. Il peut donc accepter, dans ce cas, le sort qui lui est fait et en être satisfait. Il s’agit d’une forme de consécration, de reconnaissance pour ses actes.
Dans Les Ménines, chef-d’œuvre de Velázquez, le peintre s’immortalise observant le couple royal, que nous apercevons dans le miroir. Mais aujourd’hui, c’est nous qu’il regarde, et nous qui serons bientôt dans le miroir du passé. Happés par la toile, happés par le temps. Invités par ce noir personnage au fond à pénétrer dans la lumière, vers l’inconnu. Gardés par le chien Cerbère, tandis que les gamines jouent – au présent.
La toile m’inspire une critique acerbe et ironique du pouvoir temporel : car il n’y est pas représenté en majesté, mais en médaillon, dans le lointain et vaporeux reflet du miroir. Ce pouvoir semble infime, mais pourtant la taille du tableau en cours de réalisation atteste de l’importance qu’on lui accorde – à tort ?
Certains portraits sont par eux-mêmes des contestations ; c’est qu’ils sont faits du dehors et sans passion par un peintre qui refuse toute complicité avec son modèle.
– Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?
Je ferais un affront à l’histoire de l’art si je n’incluais pas la version revue et corrigée par Philippe Geluck (enfin, c’est mon interprétation de ce dessin) :