Parfois, on peut avoir l’impression de vivre sur une autre planète. C’est mon cas, quand j’entends parler des contrats mirobolants passés par Hollande pour la vente des avions de guerre haut-de-gamme de Dassault (les Rafale), de satellites de surveillance ou d’autres instruments de guerre (hélicoptères, frégates, navires Mistral initialement destinés à la Russie, missiles) à l’Égypte, à l’Inde, au Qatar, au Koweït, aux Emirats Arabes Unis ou encore (et surtout) à l’Arabie Saoudite. Une auto-satisfaction cyniquement neutre est, comme toujours dans le monde des affaires, de mise :
Selon un rapport du ministère de la Défense publié mardi […] « Ce résultat constitue la meilleure performance à l’export de l’industrie française de défense depuis quinze ans ». […]
Il est d’autant plus remarquable qu’il a été obtenu sur un marché difficile, caractérisé à la fois par une contraction de la demande (notamment en Europe et aux Etats-Unis) et une concurrence particulièrement vive du côté de l’offre », ajoute-t-il.
Cette tendance devrait se confirmer en 2015 après la signature en février d’un contrat pour la fourniture de 24 avions de combat Rafale à l’Egypte et d’un autre en mai pour la livraison de 24 appareils de même type au Qatar.
Forte de cette « dynamique d’augmentation de ses parts de marché », la France est ainsi « solidement établie dans la durée » au quatrième rang des exportateurs mondiaux d’armement derrière les Etats-Unis et la Russie, la Chine tendant à s’installer au 3e rang.
Avec le sourire, toujours
Hollande ne fait rien d’autre que d’entretenir la vieille et longue tradition des gouvernants français représentants de commerce pour le complexe militaro-industriel. Il faut dire que soutenir ce secteur est très important pour l’emploi :
Ces exportations […] génèrent 27 000 emplois directs et indirects en France. À l’échelle locale, elles alimentent sept grands bassins d’emploi (Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Bretagne, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Centre et Rhône-Alpes).
2015 est donc une « année record »… triste record ?
Avec trois contrats Rafale en moins de trois mois en Égypte, en Inde et au Qatar pour 84 avions de combat, et bientôt 50 hélicoptères en Pologne, la France s’apprête cette année à connaître la meilleure vente d’armes à l’exportation de son histoire. […]
« Si l’on ajoute les Rafale, les hélicoptères et les ventes dans les domaines naval et satellitaire, nous avons déjà engrangé plus de 15 milliards d’euros de commandes d’armement français cette année », a indiqué le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dans une interview au Journal du Dimanche (JDD), le 3 mai [2015].
« Cela représente pour la France près de 30 000 emplois nouveaux sur plusieurs années pour ce secteur industriel », a-t-il ajouté.
N’oublions pas que la promesse n°1 de Hollande, c’est d’inverser la courbe du chômage. Il semblerait que tous les moyens soient bons !
On croit donc rêver, quand on se souvient des fondements idéologiques qui sont censés être portés par celui qui promeut ces ventes : un socialiste (enfin, qu’en reste-t-il ?) ! C’est-à-dire quelqu’un qui, a priori, devrait représenter un héritage politico-culturel anti-militariste et pro-désarmement (et anti-colonisation). Mais aucune voix dissonante ! On préfère gloser sur le minable cas Ménard – qui mériterait par ailleurs un débat d’une toute autre tenue. Mais c’est vrai : pour un matérialiste (courant de pensée occidental désormais largement prévalent, et qui est le socle du nationalisme), l’idéologie n’est rien, les mots ne sont rien, et les morts n’ont d’importance que si elles surviennent à sa porte (ainsi se mesure le prix de la vie). Le marché a toujours raison – il faut se faire à cet état des lieux.
Cocorico ! C’est Montebourg qui aurait pu être content ! La mort « Made in France » s’exporte excellemment bien !
On me rétorquera toujours ce bon vieil argument : « si nous ne les avions pas vendus, d’autres l’auraient fait » (les USA, la Russie, la Chine, etc.). Mais si l’on doit rester dans le cynisme, comme les acteurs de ce marché le font en permanence, on pourrait aussi poser ces questions : combien coûtent les guerres perdues aux Américains ? Et les vies perdues ? Est-ce un marché si rentable, au fond ? Quand le rapport de forces change, quand les armes se retournent contre ceux qui en ont fait commerce ? C’est en général à ce moment que les cyniques se lavent les mains et prônent tout naturellement la fermeture des frontières face au danger. Sans sourciller, ni penser un seul instant que le danger que nous avons exporté avec ravissement (nous ne serions pas les victimes) pourrait retrouver le chemin et revenir à la maison.
Vendre des armes, fermer les yeux puis les frontières quand les problèmes nous sautent au visage : comme toujours, le raisonnement selon lequel « la fin justifie les moyens » et n’être jamais comptable de ses actes.
Et quelle fin, en l’occurrence ? Sauver des milliers d’emploi chez Dassault Aviation et dans la filière de l’armement (Thalès, etc.) en empochant quelques milliards d’euros bienvenus dans les caisses déficitaires de la France. Car, soyons sérieux, ces armes ne serviront ni à régler des conflits, ni par conséquent à sauver des vies. Leur usage diplomatique n’est pas celui-là. Il s’agit simplement d’un procédé, ou chantage, de type « pétrole contre nourriture » ; ici, on devrait dire « pétrole/emplois/milliards contre sécurité intérieure d’Etats non-démocratiques dont les gouvernements despotiques n’ont aucune légitimité« . La gauche mitterrandienne a aboli avec grande fierté la peine de mort en France. Hollande, ce fier vendeur d’armes, exporte la mort et soutient un autre gouvernement de décapiteurs, qui lui aussi, établit des records en 2015 :
L’Arabie saoudite a annoncé mardi sa 88e décapitation en moins de cinq mois, dépassant le total des exécutions enregistrées sur l’ensemble de 2014.
Décapiteurs et pères-fouettards, d’ailleurs :
La Cour suprême d’Arabie Saoudite a confirmé ce dimanche la peine de dix ans de prison et de 1000 coups de fouet prononcée l’an passé contre le blogueur saoudien emprisonné Raef Badaoui. Ce dimanche, son épouse s’est dite «choquée» par cette décision «irrévocable». […]
Fin mai, elle a supplié la France d’intervenir pour tenter d’influencer le gouvernement saoudien et sauver son mari Raef Badaoui, condamné à cinquante coups de fouet par semaine pendant vingt semaines, pour «insulte à l’islam».
Bien sûr, les décapités continuèrent d’être décapités, les fouettés d’être fouettés, et la France de poursuivre son juteux business (après les armes, le tourisme balnéaire – mais ce que le roi ignorait, c’est que, si pour le Français, l’argent n’a pas d’odeur, il ne faut jamais empiéter sur sa villégiature estivale. Les retraités de la Côte-d’Azur sont de redoutables copropriétaires !).
Des armes en veux-tu, en voilà !
D’après cet article du Guardian,
The Middle East is plunging deeper into an arms race, with an estimated $18bn expected to be spent on weapons this year, a development that experts warn is fuelling serious tension and conflict in the region.
(ma traduction : le Moyen-Orient sombre de plus en plus dans une course à l’armement, avec 18 milliards de dollars de dépenses estimées ; une évolution dont les experts avertissent qu’elle va alimenter de sérieuses tensions et conflits dans la région.)
Augmenter la circulation d’armes de destruction massive (songeons juste un instant au pouvoir de mort qu’un seul de ces avions de combat armés de missiles guidés confère), qui plus est au sein d’Etats dont on ne sait quelle seront les politiques intérieure et extérieure à moyen terme, ni entre quelles mains ces armes pourraient tomber – à court terme, car la guerre se fait de plus en plus de manière officieuse à travers des groupes armés, tels que des combattants islamistes, et à long terme, car lors de l’effondrement d’un de ces Etats, c’est tout son arsenal qui tombe aux mains d’on ne sait qui (comme en Lybie et en Irak)…
Car si Hollande a justifié la vente d’armes au Qatar par « la longue tradition » et par le fait que « la France est regardée comme un pays fiable à qui il est possible de donner sa confiance pour un pays partenaire », est-ce que nous pouvons de notre côté considérer sans ambiguïtés le Qatar « comme un pays fiable à qui il est possible de donner sa confiance » ?
En outre, je parle d’armes de destruction massive à dessein, car on (les Occidentaux) fait mine d’ignorer qu’il s’agit de telles armes. Car c’est bien connu, nous, les armes de destruction massive, on déteste ça, et on fait tout pour éviter leur prolifération et démanteler les arsenaux existants. Il n’y a que des tyrans, inhumains et sans cœur, capables d’utiliser de telles armes atroces : Saddam Hussein, Bachar El-Assad, etc. Pourtant…
Ironically, among the key weapons suppliers in the arms race are permanent members of the UN security council who have been at the centre of two unconventional arms control initiatives – disarming the Syrian government’s stockpiles of chemical weapons and negotiating for a deal on Iran’s nuclear programme.
(ma traduction : ironiquement, parmi les principaux fournisseurs d’armes dans cette course à l’armement, figurent les membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui ont été au centre de deux initiatives de contrôle des armes non-conventionnelles – désarmement de l’arsenal d’armes chimiques du gouvernement Syrien et négociation d’un accord sur le programme nucléaire Iranien.)
Cynique stratégie à court-terme du lavage de mains
Tobias Borck of the Royal United Services Institute : « On Syria’s chemical weapons and the Iranian nuclear programme, the two issues were ringfenced as pure arms control questions. When it comes to how we perceive our arms sales – whether they are British or US or whatever – it tends to be seen as a domestic economic issue – protecting our factories. […] That neglects the regional political dimensions, with arms sales taking place with a lack of regard for that context and without long-term strategic awareness. »
(ma traduction : Tobias Borck, du Royal United Services Institute : « s’agissant des armes chimiques en Syrie et du programme nucléaire Iranien, les deux problèmes ont été cantonnés à de pures questions de contrôle des armes. Quant à la prise en considération de nos ventes d’armes – qu’elles soient Britanniques, Américaines ou autres [j’ajoute : Françaises] – il semble qu’elles soient perçues comme un sujet d’économie nationale – protéger notre industrie. […] Ceci néglige les dimensions politiques régionales, et les ventes d’armes ont lieu avec un manque d’appréhension du contexte et sans vision stratégique de long terme. »)
Et de fait, comme ce nationalisme économique prime les valeurs humanistes et universalistes, nous nous moquons de la destination de ces armes, tant qu’elles ne se retournent pas contre nous :
Pieter Wezeman, a senior researcher at Sipri [(Stockholm International Peace Research Institute) :] “Something that doesn’t get mentioned is the complete lack of interest in arms control among the countries in the region. It is not in the minds of leaders and decision-makers, except for the need to arm to defeat any potential opponent.
(ma traduction : Pieter Wezeman, chercheur expert au Sipri : « il n’est pas fait mention du manque total d’intérêt dans le contrôle des armes parmi les pays de la région. Cela ne fait pas partie de l’état d’esprit des gouvernants et des décisionnaires, excepté lorsqu’il s’agit de livrer des armes afin de combattre tout opposant potentiel. »)
Omar Ashour, an expert on Middle East security issues at Exeter University [warns that] its [the new Saudi-led Arab coalition] interventions are unlikely to contribute to stability. « The rise of Arab military coalitions raises serious concerns. […] Such interventions were usually aimed at empowering a proxy political force over its military and political rivals, instead of averting humanitarian disaster or institutionalising a non-violent conflict-resolution mechanism following a war. »
(ma traduction : Omar Ashou, expert des questions de sécurité au Moyen-Orient à l’université d’Exeter, avertit que les interventions de la nouvelle coalition menée par l’Arabie Saoudite [contre les rebelles au Yémen, notamment] sont peu à même de contribuer à la stabilité. « L’essor des coalitions militaires Arabes soulève de sérieux problèmes. […] De telles interventions avaient habituellement pour vocation de renforcer une force politique locale contre ses rivaux militaires et politiques, au lieu de prévenir des désastres humanitaires ou d’institutionnaliser un mécanisme de résolution de conflit non-violent après une guerre. »)
Le camouflage diplomatico-stratégico-humanitaire de la vente d’armes vole donc en éclats : il est ridicule de penser qu’un bon usage (si cela existe) de ces armes sera fait. Concrètement, c’est le massacre qui est exporté, et rien d’autre – il est impossible de se défausser devant cette réalité.
Fait aggravant : plutôt que d’assumer leur logique guerrière, les Etats dominants du monde, ou d’une région du monde, préfèrent se battre par populations interposées. La diplomatie devient une problématique d’alliance avec celui qui se battra pour nous. Ces puissances dominantes agissent ainsi pour deux raisons :
- dans le cas Occidental, c’est parce que l’opinion majoritaire refuse l’interventionnisme direct, avec les risques d’embourbement, de coûts et de pertes humaines (les nôtres étant plus importantes que les leurs…) et parce qu’après tout, « ce n’est pas notre guerre, donc pas notre problème » (d’où les atermoiements des USA pour une intervention en Syrie, ou les prêches va-t-en-guerre de Bernard-Henri Lévy, celui qui « fait la guerre sans l’aimer » (sic), et qui veut armer toutes les factions « rebelles » sans discernement : les Peshmergas, et avant cela les rebelles Lybiens, et encore avant le commandant Massoud en Afghanistan… avec les résultats que l’on sait…)
- dans le cas non-Occidental, c’est parce que les puissances subordonnées au Droit International Occidental ne peuvent se permettre de l’outrepasser ouvertement qu’ils agissent de manière plus ou moins discrète par l’entremise de réseaux d’influence et du marché noir (mais concernant l’armement, existe-t-il un autre marché ?).
Un cas d’école de Hollande
Le président français s’est confié au journaliste Xavier Panon, qui révèle que François Hollande a décidé de livrer des armes lourdes aux rebelles syriens, malgré l’embargo européen.
«Nous avons commencé quand nous avons eu la certitude qu’elles iraient dans des mains sûres», explique le chef de l’Etat à l’auteur du livre, en mai 2014. Les livraisons ont débuté dès la fin de l’année 2012, alors que l’embargo européen, établi à l’été 2011, est toujours en vigueur. Il ne sera levé qu’à la fin du mois de mai 2013.
« Des mains sûres » ! Au choix : naïveté confondante ou cynisme total ?
Officiellement, la France se contente d’envoyer de l’équipement non-létal: gilets pare-balles, outils de communication cryptée, masques contre les armes chimiques, lunettes nocturnes. Mais c’est un tout autre matériel qu’elle dépêche sur place: canons de 20 mm, mitrailleuses, lance-roquettes, missiles anti-chars. Seuls les missiles anti-aériens restent tabous. François Hollande n’en enverra pas car ils s’avéreraient trop dangereux si des djihadistes venaient à s’en emparer.
Ah ! C’est donc qu’on ne sait pas vraiment chez qui finiront ces armes ! Et puis : comme si les autres armes n’étaient pas dangereuses ! Car les armes légères peuvent certainement être aussi meurtrières que des armes lourdes. Ce sont même elles qui permettent à des milices locales de terroriser les populations et de commettre les pires exactions. Dans le rapport Small Arms Survey 2015, il est dit que la prolifération des armes légères continue de plus belle en Egypte, Lybie et Syrie. Cet article, qui commente le rapport, ajoute :
Les armes personnelles posent des défis spécifiques dans le domaine particulier du contrôle des ventes d’armes à travers le globe. Ce terme désigne en effet les revolvers, les pistolets automatiques, les fusils, carabines, pistolets-mitrailleurs, les fusils d’assauts et les fusils-mitrailleurs, des armes faciles à transporter et qui constituent le gros de l’armement utilisé par les mouvements d’insurrection à travers le monde. Équipez un groupe de combattant aguerris de fusils d’assauts, de quelques fusils-mitrailleurs et de pick-ups et vous vous retrouvez à coup sûr avec une belle force de guérilla. […]
C’est ce genre de combattants qui sont à l’origine de l’instabilité croissante du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord depuis la fin des printemps arabes. Le fait qu’ils puissent accéder à d’importantes quantités d’armes et de munitions a constitué la clé de leurs succès en Irak, en Syrie, en Libye et au Mali. Et malgré tout ce chaos, le Small Arms Survey démontre que de nombreux États continuent de fournir des armes à ces pays malgré le risque de plus en plus grand de les voir utilisées à des fins peu souhaitables ou détournées.
Dans le cas Hollande-Syrie, voici comment sont acheminées ces armes :
Les armes sont envoyées grâce aux soins de la DGSE (la Direction générale de la sécurité extérieure). Les Français marchent sur des œufs car il s’agit de s’assurer que les armes parviendront à la bonne destination… et que ces transferts ne seront pas surpris en flagrant délit par la communauté internationale. Les dates de livraison sont donc très irrégulières et les précautions nombreuses. […]
Sur la scène publique, la France s’enferre dans une valse-hésitation sur la question des armes. Une fois, le 15 mars 2013, l’Elysée tente de lever l’embargo européen et d’entraîner ses partenaires à envoyer des armes mais le 28, François Hollande rétropédale : « Nous ne fournirons pas d’armes tant que nous n’avons pas la certitude que ces armes seront utilisées par des opposants légitimes et coupés de toute emprise terroriste. »
On nage donc en plein mensonge d’Etat, avec l’emploi des barbouzes, trahison de ses « alliés » et autres réjouissances de l’entrée en zone grise (mais alors, très foncée).
L’affirmation sur le front anti-Bachar el-Assad d’islamistes radicaux comme les soldats de Jabhat Al-Nosra par exemple fragilise la position française: il est désormais quasi impossible d’assumer la livraison d’armes en Syrie alors que ce sont les djihadistes qui tendent à incarner la révolution syrienne.
Voilà donc comment on arme Daech et les milices islamistes extrémistes (de nos chers amis Saoudiens et Qataris) !
Dans son livre, Xavier Panon transcrit les propos d’un responsable du Quai d’Orsay : « François Hollande et son ministre ont été bien imprudents sur la Syrie et l’embargo. Faute d’avoir la capacité d’influer réellement sur le rapport de forces, la posture reste morale. Or, la morale est rarement bonne inspiratrice en politique étrangère. Livrer des armes sans garantie de destination, c’est être cobelligérant. Il y a davantage de raisons de ne pas le faire que de le faire. »
L’action de la France semble, de toute façon, avoir eu peu de portée sur le terrain. En 2015, la Syrie est toujours enlisée dans une guerre meurtrière. Un conseiller de l’Elysée admet auprès de Xavier Panon: « Oui, nous fournissons ce dont ils ont besoin, mais dans la limite de nos moyens et en fonction de notre évaluation de la situation. Dans la clandestinité, vous ne pouvez agir qu’à petite échelle. À moyens limités, objectifs limités. Au final, est-ce que notre aide permettra à la révolution de gagner? Non.«
Non seulement on livre des armes qui se perdront vite dans la nature et serviront à coup sûr pour des massacres à venir, mais en plus ça ne sert même pas les objectifs que l’on se fixe : double échec, double honte !
L’impasse du marteau
Suite de l’article du Guardian mentionné ci-dessus :
Borck : « If you are going for an ever bigger hammer, then the more desperate you are to make every problem a nail. »
(ma traduction : Borck : « si on désire un marteau sans cesse plus gros, alors on a désespérément tendance à faire de chaque problème un clou. » [dérivé de la citation de Maslow : « si on n’a qu’un marteau, alors on tend à considérer tout problème comme un clou »])
Comme la théorie dit que l’on adapte la solution du problème (voire le problème lui-même) en fonction des moyens dont on dispose, le grossissement de l’arsenal à la disposition d’un Etat engendre donc un biais comportemental : plus d’armes signifie plus de guerres, car tout problème peut (et doit, par conséquent) être résolu par les armes. Dit autrement : tout conflit devient militaire.
La véritable finalité de cette ignominie, c’est probablement que nous armons nos futurs ennemis et sacrifions notre morale et des millions de vies sur l’autel d’un profit de court-terme et d’une course vaine à la prétendue « croissance économique » qui sauverait nos politiciens de l’échec patent de leurs politiques de l’emploi ou de l’insertion, et plus généralement de leur absence complète de vision d’avenir.