Argent ! Argent ! A moi ! A moi !
caquettent les pingouins en file indienne sur leur ilot de glace.
L’enfer, c’est les autres, la promiscuité. Être à l’avant ou à l’arrière de la file. Pousser ou laisser passer. Accélérer.
Argent ! Argent ! A moi ! A moi !
caquettent les pingouins en file indienne sur leur ilot de glace.
L’enfer, c’est les autres, la promiscuité. Être à l’avant ou à l’arrière de la file. Pousser ou laisser passer. Accélérer.
A la suite d’Alain et d’Aristote, mais contrairement au Sisyphe de Camus et bien entendu aux sweatshops ou aux camps de concentration (est-il utile de le préciser ?), on peut concevoir le travail libre comme une forme de liberté.
C’est l’idée que développe Alain entre une lecture d’Aristote et une interprétation de la Volonté de Puissance nietzschéenne :
Aristote dit cette chose étonnante, que le vrai musicien est celui qui se plaît à la musique, et le vrai politique celui qui se plaît à la politique
– Alain
Il faut choisir : se reposer ou être libre
– Thucydide
Choisir donc entre un certain fatalisme (qui vivra verra) reposant, ou la contrainte du travail pour la liberté. Sachant que ce choix est déjà une expression de la liberté (l’homme est condamné à être libre).
Barbarie provient étymologiquement du terme grec ancien βάρϐαρος / bárbaros : l’étranger. Il était utilisé par les grecs pour « désigner les peuples n’appartenant pas à leur civilisation et dont ils ne parvenaient pas à comprendre la langue ».
Pour les Grecs comme pour les Romains, tout « barbare »peut, en adoptant leur langue, leurs dieux et leurs mœurs, devenir Grec ou Romain, et ce fut le cas non seulement de nombreux individus (dont certains parvinrent jusqu’à la fonction impériale), mais aussi de peuples entiers.
Croire Sisyphe heureux, comme Camus ?
Sisyphe a un passé, une histoire, un cheminement et des choix personnels profonds qui l’ont conduit là où il est. Sa vie est moins devant lui que derrière. Il peut donc accepter, dans ce cas, le sort qui lui est fait et en être satisfait. Il s’agit d’une forme de consécration, de reconnaissance pour ses actes.
Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la liberté d’autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres qui m’entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté.
– Bakounine
C’est pour moi la forme « défensive » de la liberté : la responsabilité envers les autres et le sentiment que sans la liberté des autres, il n’existe pas de liberté pour soi.
C’est un rapport au monde qui détermine aussi le sentiment de « bonheur » ou de « quiétude » (par opposition à « angoisse » ou « intranquilité ») que l’on peut éprouver de manière diffuse et constante.
La liberté est un état d’équilibre instable
Je pense en effet que la liberté est comme une balance secouée de perpétuelles oscillations, ou comme un élastique résistant à des forces centrifuges sans céder.
L’inverse pourrait être représenté comme une balance qui n’oscille plus, soumise à un corps mort qui l’asservirait asymétriquement dans un extrême ou l’autre. C’est l’affaissement des tensions, l’aboulie. C’est la pente douce de la facilité et de nos préjugés que nous empruntons trop souvent. Or il faut aller contre cette pente, contre soi pour être libre (quelques exemples concrets ici).
Car la liberté réside dans un état de tension envers et contre le monde et soi-même, et non pas dans un accord trop aisément falsifiable avec une « droiture en soi » ou un très hypothétique « choix délibéré ».
Chaque personne est un choix absolu de soi
– Sartre, L’Être et le Néant
Il n’y a pas de déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté
L’homme est condamné à être libre
L’existence précède l’essence
– Sartre, L’existentialisme est un humanisme
Suis-je existentialiste ? Peut-être…
Même la biologie semble donner raison à Sartre sur ce point.
Comme j’en arrive à la conclusion ici, l’inexistence avérée de toute objectivité morale conjuguée à la primauté de la subjectivité comme mode d’action humain oblige toute future construction intellectuelle systémique à se projeter en une utopie, c’est-à-dire :
La description concrète (par la simulation) de la situation envisagée (une organisation) qui matérialise le résultat de l’ensemble des principes subjectifs (hiérarchie de valeurs) défendus par leur(s) auteur(s)
Ce qui aura pour vertus de laisser l’idéologie au rencart, aussi bien que de démasquer les prédicateurs, les politiciens et les sophistes : tous ceux qui prônent des valeurs et des modes de conduite « pour les autres » et n’en assumeront jamais les responsabilités concrètes ; tous ceux aussi qui croient que l’addition des réformes (pour ne pas dire réformettes) font une politique d’ensemble.
Cela permet de ne plus penser « hors-sol » mais bien les mains dans le cambouis, dans la franchise et la transparence de la situation à laquelle aboutirait la réification des valeurs prônées : expérimenter, pour prouver la viabilité.