Nabilla rime-t-elle avec Cloaca ?

Je l’avoue, Nabilla m’a bien fait marrer. Mais comment peut-on décemment résister à cette séquence d’anthologie ?

 

Il y a chez la bimbo un mélange de naïveté et de sincérité qui vont droit au cœur : son outrance tellement sincère ; son appel tragique à la Apollo 13, « allô, j’sais pas, vous me recevez ? », accompagné d’un geste désespéré (essayer de téléphoner avec sa main, tout le monde sait que ça ne marche pas) ; son doute existentiel « t’es une fille, t’as pas de shampooing !!??!! », c’est comme si on avait remis en cause l’héliocentrisme, la théorie de la gravité et celle de l’évolution en même temps qu’on découvrait la physique quantique ; son analogie transcendantale « c’est comme si je te dis : t’es une fille, t’as pas de cheveux ». Cette conjugaison incroyable et inespérée contribue à faire de cette séquence un moment qui restera dans l’Histoire.

En tout cas, si Tom Hanks avait utilisé de tels arguments, sûr que Houston se serait autrement démené pour tirer du guêpier son équipe d’astronautes américains. D’ailleurs, je suis certain que le fait que l’émission ait eu lieu en Floride, près de Cap Canaveral, n’est pas un hasard. Les producteurs avaient cette ambition colossale de détrôner Neil Armstrong, près du lieu même qui servit de décollage à la fusée qui emmena le premier homme sur la lune :

C’est un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour l’humanité.

Je ne suis d’ailleurs pas le seul à accréditer la thèse de l’exploit. Pierre-Antoine Delhommais, journaliste économique et éditorialiste au journal Le Point, a consacré non pas un, mais deux de ses éditoriaux (les citations de Delhommais en sont extraites) à l’executive woman Nabilla (c’est ainsi qu’il la considère) :

Grâce à une certaine forme d’excellence dans son domaine, [Nabilla] a réussi, à 22 ans, à créer sa propre marque et à la faire prospérer.

[…] faisant breveter son expression culte « Allô ! Non, mais allô, quoi ! », devenant une vraie star et pas une simple starlette des réseaux sociaux (1,1 million de followers sur Twitter, 480 000 abonnés sur son compte Instagram).

[…] la start-up Nabilla est une incroyable success-story, créatrice de richesses et de travail (producteurs télé, paparazzi, stylistes de mode, journalistes, etc.), un vrai petit moteur de croissance comme l’économie française aimerait en compter davantage.

Mais voyez-vous, il suffit d’un rien pour être mis de mauvaise humeur : au lieu de laisser la jeune écervelée à ses soins capillaires et à sa mammoplastie, voilà que notre cher journaliste se fait un devoir de l’ériger en reine des réseaux sociaux (passe encore), mais surtout en créatrice de richesses et moteur de croissance !

Pour asseoir sa démonstration, il s’appuie sur une bande de grabataires (j’espère qu’il n’est pas trop lourd pour eux) à laquelle il associe l’activité lucrative de Nabilla :

Les Vieilles Canailles [tournée de concerts de Hallyday, Dutronc et Mitchell] devraient servir de bonne leçon anti-malthusienne : quand on travaille et qu’on crée de la richesse (peu importe à quel âge), on crée de la richesse et du travail pour tous, pas au profit de quelques-uns et au détriment des autres.

Créer de la richesse, le gros mot était lâché !

Et en plus, vouloir nous faire gober que les vieux au travail n’ôtent le pain de la bouche de personne ! A vrai dire, ils l’ôtent autant en travaillant qu’en partant à la retraite.

Mais trop, c’est trop ! Voilà pourquoi je réponds à ces infamies. Je ne suis pas le premier à le faire, le vieux sage Finkielkraut y est déjà allé de son commentaire, sur le mode « fin de la culture », relativisme, « économisme » et consumérisme dominants – malheureusement sur le ton défaitiste et peu amène qu’on lui connaît (on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, Finkie !). Et Delhommais lui a répondu, en suivant ses convictions quasi-religieuses et messianiques selon lesquelles la croissance et la consommation nous sauvent:

Les huit millions de Français qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté ont pourtant l’intuition étrange qu’ils penseraient, respireraient et vivraient mieux en pouvant consommer davantage.

 

Cependant, Delhommais commet trois erreurs manifestes :

  1. la confusion entre économie et civilisation, ou la mauvaise définition de la richesse et des richesses,
  2. la croyance au mythe de la croissance infinie, ou le grossissement infini du gâteau,
  3. l’assimilation du bougisme au progrès, ou le pervertissement des fondements de la destruction créatrice.

 

1. La confusion entre économie et civilisation

Pour l’économiste moyen, la réussite serait uniquement qualifiée par le niveau de contribution aux mesures quantifiables que sont le taux de croissance du PIB et l’argent que l’on gagne – soit, comme le dit Finkielkraut, une dérive nommée économisme, qui postule que ces indicateurs sont la mesure absolue des richesses de toute civilisation. Il n’est par conséquent pas surprenant qu’un « expert » de l’économie, ou en tout cas quelqu’un qui fait du commentaire économique son gagne-pain, souscrive à cette vision cynique et à la vue courte. C’est une simple déformation professionnelle de celui qui a le regard et la pensée rivés sur les indicateurs et les mécanismes de l’économie de marché. J’ai déjà expliqué ici en quoi cette conception, qui domine la civilisation au sein de laquelle nous vivons actuellement, est à la fois totalement subjective et partiale. C’est la première erreur de Delhommais, largement partagée par la doxa : confondre le fait économique avec le fait civilisationnel.

 

2. Le mythe de la croissance infinie, ou le grossissement infini du gâteau

Sa deuxième erreur consiste à désigner par richesse (ou richesses – différence expliquée ici aussi) à la fois une activité procurant à celui ou celle qui la pratique (Nabilla en l’occurrence) un revenu, mais aussi du travail pour les autres et par conséquent de l’argent pour tout le monde, donc une amélioration générale du niveau de vie. C’est le cercle vertueux et magique de la croissance, ou mythe de la croissance infinie. C’est un lieu commun que tous les économistes orientés à droite soutiennent – et auquel, globalement, tous les conservateurs souscrivent (par croyance en l’absence d’alternative) : en s’enrichissant, le riche enrichit toute la société. La richesse est vertueuse par nature, car elle produit des richesses.

Or, non seulement cette croyance est loin d’être avérée, mais de plus, Delhommais semble ignorer, ou ne même pas avoir pris en considération, le modèle économique et les flux financiers à l’œuvre dans l’enrichissement de Nabilla.

Comment Nabilla est-elle rémunérée, et par qui ? Cela revient à demander pourquoi la télé-réalité est un business juteux : ces émissions sont diffusées sur des chaînes privées rémunérées par des annonces publicitaires. Elles doivent coûter le moins cher possible à produire tout en générant un maximum d’audimat. Filmer des gens ordinaires à qui l’on dit qu’ils participent à un jeu en leur promettant un gros lot (ce qui permet de ne pas avoir à les rémunérer, jusqu’à une loi parue en 2009), sans véritable investissement scénaristique, ni exigence de qualité de réalisation ou de toute autre forme de créativité. Du low-cost qui rapporte gros.

Mais qui fournit les budgets publicitaires ? Les annonceurs : les sociétés productrices de biens de consommation (ex : alimentation, grande distribution…) et d’équipement (ex : automobile, télécoms…), le « dur », le « tangible » : rien de virtuel. Pour amorcer la pompe à vide, il faut quelque chose de concret :

La consommation des ménages est une donnée essentielle sur la santé économique du pays [la France] puisqu’elle représente 55 % du PIB et qu’elle explique 30 % de la variation du PIB chaque trimestre.

Dans la plupart des pays développés, cette contribution de la consommation au PIB varie entre 40% (Norvège – économie basée sur la rente pétrolière) et près de 70% (Etats-Unis). La moyenne mondiale en 2013 est proche de 60%. (source : Banque Mondiale)

  • cette croissance du PIB est corrélée avec les budgets publicitaires :
correlation_PIB_budget_pub
Rapport entre taux de croissance du PIB et investissements publicitaires (source : Les chiffres clés des annonceurs, UDA, édition 2013accès direct au PDF ici)

L’Union Des Annonceurs (UDA) soutient à son profit corporatiste la thèse que plus l’investissement publicitaire est élevé, plus la croissance est forte (ce qui est un message envoyé aux politiciens : « favorisez la pub, vous aurez votre croissance »). Or, une corrélation n’a jamais démontré un lien de causalité. Ainsi, on pourrait tout aussi bien dire (et certainement avec plus de raison) que plus la croissance est forte, plus les budgets publicitaires augmentent. Dans le même rapport (page 2), l’UDA énonce d’ailleurs ceci, qui semble contredire sa thèse :

Les investissements en communication des annonceurs en France […] ont représenté ainsi 1,48 % du PIB national, soit le ratio le plus bas de ces vingt dernières années. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte marqué à la fois par la crise économique que traverse actuellement notre pays et par la digitalisation croissante de tous les moyens de communication des annonceurs.

Si la crise économique restreint les budgets publicitaires, il est fort probable que c’est la reprise économique qui les fasse repartir à la hausse (et non pas la publicité qui fasse repartir l’économie).

On peut dire par ailleurs que Nabilla est rémunérée par la publicité grâce à la notoriété qu’elle génère. Elle ne produit donc aucune valeur ajoutée concrète, si ce n’est accumuler des spectateurs : le revenu qui lui est accordé est directement proportionnel à ce facteur.

Donc, d’une part, les budgets publicitaires ne contribuent pas à la croissance mais la suivent, et d’autre part, Nabilla ne fait pas augmenter les budgets publicitaires, car elle ne fait qu’en capter une certaine proportion à son profit.

En conclusion : quelle augmentation réelle du PIB peut-on attribuer à l’activité de Nabilla ? Probablement 0. Elle ne produit donc ni PIB, ni richesse pour les autres, ni ne crée d’emplois. Elle s’enrichit : c’est la seule chose que l’on peut conclure d’un point de vue purement économique.

 

Delhommais n’a eu cure d’expliquer ces faits, car pour lui, le cas Nabilla constitue le sujet original d’un éditorial de plus, qui lui sert à gagner sa vie. Il est attristant de constater qu’un intellectuel, dont la qualité première devrait être de prendre du recul sur le présent afin d’en établir une critique constructive, se vautre dans la banalité et la facilité. Certes, la défense des brunes à forte poitrine vaut bien quelques entorses à la raison ! Monsieur Delhommais n’est d’ailleurs pas tout à fait dupe de la mauvaise foi et des faiblesses de sa chronique, comme il l’écrit :

Histoire de mettre les rieurs avec soi, on pourrait bien sûr souligner le côté provocateur qu’il y a à parler de « fuite des cerveaux » à propos de Nabilla. On se contentera de déplorer par avance l’éventuel exil d’une jeune businesswoman qui regorge d’atouts considérables.

Il réaffirme d’une part qu’il se moque qu’une personne fasse preuve d’intelligence ou non, à condition qu’elle fasse pleuvoir sur elle les billets : le marché a donc toujours raison. D’autre part, il insinue un relativisme et un cynisme tout à fait dans l’air du temps : l’absence de sens et d’intelligence ne sont aucunement critiquables, car personne ne peut définir ce qui produit du sens ou mesurer l’intelligence. Seule une quantification fondée sur la mesure de l’impact sur le PIB peut apporter une réponse fiable et concrète – sauf qu’il se trompe aussi dans la mesure de cet impact supposé sur le PIB.

On pourrait lui accorder que le cas Nabilla est une extravagante exception, qu’il convient de considérer avec amusement et distraction. Mais s’il n’y avait que Nabilla, on s’en accommoderait effectivement volontiers ! Or, il semble que toute la « nouvelle économie » soit aujourd’hui tournée vers le futile et l’agréable. Quant à l’utile, c’est-à-dire ce qui fait sens et est source de progrès, on n’en parle plus !

L’activité de Nabilla est cynique et égoïste, au même titre que les grands barons de l’Internet, patrons de Facebook, Twitter, Apple, etc. au même titre aussi que les grands groupes industriels : « faites ce que je dis, pas ce que je fais », et surtout « achetez ce que je produis, c’est tellement cool – même si moi, jamais je n’en serai client« . Tel est leur individualisme, expression du dégoût et de la haine du monde : « mangez ma merde, vous les porcs ! Afin qu’une fois millionnaire, je puisse enfin me soustraire à votre compagnie. »

Delhommais a pris l’exemple de Nabilla, il aurait aussi pu prendre celui de la star actuelle (juillet 2015) de Youtube, le surnommé PewDiePie :

La société du Suédois Felix Kjellberg, dit « PewDiePie », a généré [près de] 7 millions d’euros de gains en 2014, grâce à l’explosion de la publicité sur YouTube.

A l’instar de Nabilla, ce gus multi-millionnaire ne produit aucun PIB, n’engendre aucun gain de productivité, et n’entre aucunement dans un processus de destruction créatrice. Lui aussi ne fait que siphonner des budgets publicitaires, au détriment d’autres médias :

Par effet de vase communicant, la presse spécialisée en jeux vidéo a assisté dans le même temps à la chute de ses revenus publicitaires. « Depuis trois ans, la publicité sur Internet s’est proprement effondrée. Les éditeurs ont moins d’argent, et ils préfèrent le mettre sur YouTube ou Facebook », déplorait […] Thomas Cusseau, rédacteur en chef du site spécialisé Gamekult […].

Mi-mai, un des sites français historiques, jeuxvideo.fr, annonçait sa fermeture.

Doit-on déplorer que des sites Web ferment et que l’on remplace les équipes qui les animaient par un seul individu, qui devient multi-millionnaire ? Peut-être que PewDiePie et Nabilla savent mieux donner aux gens ce qu’ils veulent que les autres. Ce qui nous conduit à la troisième et dernière erreur de Delhommais : la qualité de la production.

 

3. L’assimilation du bougisme au progrès

Il est vrai qu’en ne raisonnant qu’à court terme, l’œil rivé au compteur trimestriel, et en ne considérant que le critère de la hausse du PIB, Delhommais (comme n’importe quel économiste ou observateur mis dans cette situation) est incapable de discerner richesse durable et gaspillage consumériste, ni de différencier destruction créatrice et destruction (tout court). La question de savoir si un enrichissement est tangible (réel) ou virtuel nécessite de répondre à d’autres questions : a-t-on augmenté la richesse d’une seule personne, ou d’un petit nombre de personnes, ou d’un grand nombre de personnes ? Et ce faisant, est-on parvenu à augmenter les richesses pour tous – donc, a-t-on réalisé un progrès ?

Dit encore autrement : est-ce que « la créatrice de richesses » Nabilla travaille pour elle seule, ou pour la société aussi ? Contribue-t-elle durablement à l’essor de la civilisation à laquelle elle appartient, ou est-elle un autre symptôme des victoires à la Pyrrhus que la course aveugle du raisonnement individualiste et court-termiste nous impose ?

Quel rapport son activité entretient-elle avec les normes et valeurs de sa société ? Est-ce une amélioration de ces valeurs, un conservatisme défensif, ou une dégradation ? Est-ce un combat pour le renversement des valeurs présentes et une modernisation ? Si c’est le cas, ce combat est-il une destruction créatrice (donc, une émergence de nouvelles opportunités comme autant de pistes de progrès), ou au contraire une destruction tout court ?

Ce qui revient à dire ceci :

Parce que Delhommais ne pose pas la bonne question : « Nabilla rime-t-elle avec Cloaca ? », il passe totalement à côté du fond du problème.

Cloaca, de Wim Delvoye, n’est rien d’autre qu’une machine à fabriquer des excréments (elle est supposée reproduire le fonctionnement d’un tube digestif). Delvoye vend sa merde (1000$ le paquet) et prouve que l’on peut donc devenir riche en devenant l’alchimiste qui transforme la merde en or :

Cloaca, selon son créateur même, a été conçue pour être inutile, nuisible au besoin, coûter très cher et rapporter beaucoup.

cloaca
Cloaca en pleine activité créatrice (de richesses ?)

On apprend même que des industriels de l’agro-alimentaire étaient intéressés par la machine pour y tester leur produits ! Pourvu que les gens en veulent ! Et si c’est ce qu’ils veulent : donnons-le leur ! En augmentant son prix, on crée un sentiment d’exclusivité, et cela devient un produit de luxe. En le présentant comme un concept artistique « inutile et nuisible », cela devient une œuvre d’art. Ainsi est lancé le mouvement de crétinisation et d’abrutissement snobinard.

Cloaca est donc la parfaite allégorie de l’art contemporain : c’est une mise en abîme lucide de ce qu’est l’art contemporain, en incarnant elle-même une œuvre d’art contemporain et les relations producteurs-consommateurs qui le caractérisent.

Nabilla et Cloaca sont les meilleurs dans leur domaine :

  • Nabilla en tant que bimbo starlette de télé-réalité,
  • Cloaca dans le registre du marché de l’art contemporain.

Mais Cloaca, tout comme Nabilla, ne savent finalement faire qu’une chose : de la merde. On peut être le meilleur des faiseurs de merde, on fait toujours de la merde.

Mais pour monsieur Delhommais, l’argent n’a pas d’odeur et la seule conclusion qu’il peut émettre c’est que le succès de Cloaca, tout comme celui de Nabilla, sont de merveilleuses success stories. Il prend d’ailleurs position pour sa protégée face aux critiques de Finkielkraut :

Il est toujours assez stupéfiant de voir avec quel manque de tact, avec quelle indécence, des personnes qui vivent dans une totale aisance financière et un grand confort matériel exhortent les gens pour qui tel n’est pas le cas à élever leur âme, à se montrer moins matérialistes, à songer davantage à l’être qu’à l’avoir.

J’ai envie de lui répondre que l’on peut (que l’on doit, même !) raisonner de manière pragmatique sans pour autant avoir envie d’avaler sa tartine de merde tous les matins au petit-déjeuner !

La boucle est donc bouclée : on produit de la merde qui fait de la merde dans un monde de merde mais, et c’est ce qui justifie tout, on peut en tirer profit !

Et peut-être qu’au pays des aveugles-mangeurs-de-merde (celui de Delhommais), les borgnes-producteurs-de-merde sont-ils rois ?

 

Cet aveuglement pour le PIB et l’argent s’applique de la même manière pour le suivisme, ou bougisme, qui consiste à célébrer toute nouveauté et à promouvoir le changement pour le changement, sans valeurs ni fondement. Les individus réfractaires sont déclarés ringards, has-been, conservateurs, ou réactionnaires ;  et ce, quels que soient les arguments qu’ils pourraient invoquer.

Le progrès est le bougisme, et le bougisme est le progrès : qu’importe la direction, pourvu qu’on ait le mouvement !

Cela ressemble fort à un totalitarisme : acceptez immédiatement et avec une fascination ébahie mon modèle ou soyez-en exclus comme un marginal.

Si une grande partie de l’activité humaine se déplace du concret (la création de richesses – en accord avec la production de sens et d’un progrès) vers le vide (c’est-à-dire vers un système nihiliste de production/consommation de merde), que va-t-il se passer ? Je ne donne pas cher de la peau d’un Etat (ou civilisation) dans cette situation. Sentant le sol se dérober sous ses pieds, il pourrait avoir le réflexe de s’agripper à tout ce qu’il trouve autour de lui : il entraînerait alors les autres dans son écroulement, et userait de sa force pour se maintenir au-dessus de la mêlée, en employant tous les moyens pour leur marcher sur la tête. Vu de l’extérieur, on aurait l’impression d’un panier de crabes. Bien entendu, tout ceci n’est qu’hypothèse, et toute ressemblance avec une situation existante ou ayant existé serait purement fortuite…

Voilà pourquoi il y a quelque chose d’exécrable dans le raisonnement, même s’il est primesautier, de Delhommais.

 

Ce que j’en conclus du cas Nabilla : elle ne crée aucune forme de richesses, mais gaspille au contraire des deniers et de l’énergie qui auraient pu être dépensés ou investis de manière bien plus intelligente et porteuse d’avenir.

Comme la télé réalité gâche le temps de ceux qui la regardent et feraient mieux d’ouvrir un livre, la Nabilla Corporation vide des comptes bancaires et du temps de cerveau vers le puits sans fond de sa bêtise crasse.

Ceux  qui passent leur temps à regarder ce genre d’émissions ne gagnent rien, n’obtiennent rien, et n’élèvent pas non plus leur âme : c’est un vide total, une perte de temps absolue. Rabaissement humain et civilisationnel difficile à défendre, même pour le roi des consuméristes.

Pourtant, l’accaparement du temps de cerveau disponible a de l’avenir, car il est plus que jamais fructueux et répandu. La vraie question d’un changement de modèle, et d’une véritable révolution, est celle-ci : comment pourrait-on orienter tout ce temps perdu, toute cette puissance de calcul, d’imagination et de réflexion inutilisée ou gaspillée pour les rendre producteurs de richesses ? Comment quitter l’économisme pour revenir à la civilisation ?

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