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La désobéissance civile comme liberté des peuples

Jacques Rancière définit l’opposition entre la police (pouvoir gouvernemental) et la politique (processus d’émancipation) comme l’essence du politique. En d’autres termes, il fait s’affronter la rigidité d’un corps constitué de normes (l’Etat) avec la volonté et le désir d’individus souhaitant exprimer leur liberté dans l’égalité de tous. Face à cet Etat hiérarque qui « fait du tort à l’égalité », le citoyen libéré qui cherche à éviter l’emploi d’une violence face à une autre (car la fin ne justifie jamais les moyens) n’a pas d’autre choix que d’adopter une posture nommée désobéissance civile.

A la suite de Nietzsche, qui considère l’Etat comme « le plus froid de tous les monstres froids », Alain Badiou déclare dans cet entretien :

Tout État possède une dimension criminelle intrinsèque. Parce que tout État est un mélange de violence et d’inertie conservatrice. […] L’État est une entité qui n’a d’autre idée que de persévérer dans son être, comme dirait Spinoza.

Badiou évoque ici la fameuse raison d’Etat, valeur suprême qui justifie d’outrepasser les règles démocratiques, c’est-à-dire d’ignorer la volonté du peuple. Comme cette raison d’Etat est pratique, elle est invoquée par tous les dirigeants, qu’ils aient été élus au cours d’un scrutin dit démocratique, ou pris le pouvoir par les armes ou qu’ils l’aient encore hérité de naissance. Ce qui fait qu’à l’échelle mondiale, on constate que la volonté des peuples ne s’exprime jamais, mais que celle des nations et de leurs gouvernements ne cesse de se renforcer.

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Raison, secret et mensonge d’Etat

De la raison d’Etat au secret d’Etat, et du secret d’Etat au mensonge d’Etat, les pas peuvent être rapidement franchis.

C’est une habitude qui a été prise, ou plutôt a été héritée : les gouvernants de démocraties ont adopté, par atavisme, certains modes de fonctionnement des monarques qui les ont précédés.

Autre bizarrerie : en passant d’un régime despotique à un régime démocratique, la population ne s’est pas plus que ça offusquée que les secrets restent bien gardés. On se dit que la raison d’Etat le nécessite, et comme désormais, en démocratie, l’Etat travaille pour le peuple, il n’y aurait pas de conflit : si les moyens employés restent les mêmes, peu importe, car ce qui compte, ce sont les fins auxquelles ils sont employés.

Mais ce faisant, non seulement on justifie l’adage périlleux et néfaste selon lequel la fin justifie les moyens, mais en outre on admet et on entérine le fait qu’il y a une séparation dans l’Etat entre le gouvernement et la population. Ou, en d’autres termes : qu’il est justifié que le gouvernement en sache plus que la population et la laisse dans l’ignorance de certains faits, car « c’est pour son bien« .

Et on comprend dès lors à quel point un tel raisonnement devient dangereux pour une démocratie, car la raison d’Etat devient raison gouvernementale, ou raison du pouvoir temporel, qui se substitue à la vigilance nécessaire du peuple. Nietzsche parle de « monstre froid », et Kant fustige la paresse consistant à déléguer les affaires les plus importantes et vitales à autrui – et qu’y a-t-il de plus important, de plus impérieux pour un citoyen, que d’exercer son pouvoir de contrôle sur le pouvoir temporel (le gouvernement) ?

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L’Etat – ce monstre froid (Nietzsche) : comment changer le monde

Il y a quelque part encore des peuples et des troupeaux, mais ce n’est pas chez nous mes frères, chez nous il y a des États.

État, qu’est-ce que cela ? Allons ! ouvrez vos oreilles, je vais vous parler de la mort des peuples.

L’État, c’est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « moi l’État, je suis le peuple ».

C’est un mensonge ! Ils étaient des créateurs ceux qui créèrent les peuples et qui suspendirent au-dessus des peuples une foi et un amour : ainsi ils servaient la vie. Ce sont des destructeurs ceux qui tendent des pièges au grand nombre et qui appellent cela un État : ils suspendent au-dessus d’eux un glaive et cent appétits.

Partout où il y a encore du peuple, il ne comprend pas l’État et il le déteste comme le mauvais œil et une dérogation aux coutumes et aux lois.

– Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

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