Archives par mot-clé : mensonge

Aimer la culture, détester son enseignement

Faute d’avoir trouvé un guide pour me transmettre une compréhension de la hiérarchie des savoirs, la « haute culture » est longtemps restée pour moi un sujet de dénigrement et d’incompréhension. Il semble même que je me sois longtemps construit par opposition à cette prétendue haute culture, dont les seuls promoteurs que je côtoyais étaient mes professeurs – et sachant l’image que j’avais d’eux, ou qu’ils lassaient à apprécier, je ne pouvais que rejeter ce qu’ils souhaitaient que j’honore.

Ainsi, je n’ai appris à apprécier la culture que tardivement, par mes propres moyens et selon un intérêt lentement attisé, en ayant détesté son enseignement.

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Rétablir et revaloriser la parole publique

Au grand jeu des promesses non tenues, les hommes politiques ont toujours obtenu les premières places. Pourquoi les blâmer ? Leur profession consistant à gagner le pouvoir, ils se sont emparés d’un des plus efficaces stratagèmes permettant d’arriver à leurs fins. Henri Queuille a déclaré :

Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Ceux qui les écoutent, ou ceux qui y croient : les électeurs. Le clientélisme est toujours une arme puissante, qui permet aux escrocs de toute espèce de prolonger encore pour quelques années leur sursis. Le politicien a bien compris que flatter l’électeur dans le sens du poil valait mieux (pour sa propre carrière) que de lui dire ses quatre vérités.

Pourtant, tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. Il est ainsi amusant d’observer les politiciens poser cette question rhétorique : « mais qui fait le lit du Front National ? » Ils espèrent une dernière fois pouvoir s’en tirer à bon compte, blanchis de leurs mensonges.

On n’en aurait eu que faire, au fond, de ces mythomanes professionnels, s’ils ne s’étaient salis qu’eux-mêmes. Mais leur cynisme sans bornes a provoqué un séisme plus profond : désormais, c’est la parole publique, ou le débat public, qui est devenu suspect. On n’y croit plus. Ceux qui vivent de la politique ont fini par abattre à la fois ceux qui vivaient pour la politique (par conviction), et la politique elle-même, à travers l’impossibilité du débat public.

Or, renouer avec la possibilité du débat public, c’est renouer avec la capacité de faire à nouveau de la politique. Une politique véritable s’entend, c’est-à-dire exigeante envers ses acteurs (les citoyens : hommes politiques comme électeurs) et apte à provoquer l’émergence d’une pluralité d’opinions et de propositions systémiques concrètes fondées sur un savoir scientifique le plus objectif possible.

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Raison, secret et mensonge d’Etat

De la raison d’Etat au secret d’Etat, et du secret d’Etat au mensonge d’Etat, les pas peuvent être rapidement franchis.

C’est une habitude qui a été prise, ou plutôt a été héritée : les gouvernants de démocraties ont adopté, par atavisme, certains modes de fonctionnement des monarques qui les ont précédés.

Autre bizarrerie : en passant d’un régime despotique à un régime démocratique, la population ne s’est pas plus que ça offusquée que les secrets restent bien gardés. On se dit que la raison d’Etat le nécessite, et comme désormais, en démocratie, l’Etat travaille pour le peuple, il n’y aurait pas de conflit : si les moyens employés restent les mêmes, peu importe, car ce qui compte, ce sont les fins auxquelles ils sont employés.

Mais ce faisant, non seulement on justifie l’adage périlleux et néfaste selon lequel la fin justifie les moyens, mais en outre on admet et on entérine le fait qu’il y a une séparation dans l’Etat entre le gouvernement et la population. Ou, en d’autres termes : qu’il est justifié que le gouvernement en sache plus que la population et la laisse dans l’ignorance de certains faits, car « c’est pour son bien« .

Et on comprend dès lors à quel point un tel raisonnement devient dangereux pour une démocratie, car la raison d’Etat devient raison gouvernementale, ou raison du pouvoir temporel, qui se substitue à la vigilance nécessaire du peuple. Nietzsche parle de « monstre froid », et Kant fustige la paresse consistant à déléguer les affaires les plus importantes et vitales à autrui – et qu’y a-t-il de plus important, de plus impérieux pour un citoyen, que d’exercer son pouvoir de contrôle sur le pouvoir temporel (le gouvernement) ?

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