Comment répondre à cette vieille question de juriste :
Sont-ce les mœurs qui font le droit, ou le droit qui fait les mœurs ?
Horace posait déjà la question ainsi :
Que sont les lois sans les mœurs, que sont les mœurs sans les lois ?
Comment répondre à cette vieille question de juriste :
Sont-ce les mœurs qui font le droit, ou le droit qui fait les mœurs ?
Horace posait déjà la question ainsi :
Que sont les lois sans les mœurs, que sont les mœurs sans les lois ?
On sait faire des tranches de saucisson à partir d’un porc. Mais il est impossible de recréer le porc à partir de tranches de saucisson.
Alors pourquoi s’acharner à saucissonner les enjeux du monde en autant de variations parcellaires et par conséquent partiales : sujets sociaux, économiques, juridiques, écologiques, etc.
On voit bien qu’entre le cochon et la charcuterie, c’est une relation à sens unique !
Excellent article de Clément Lacombe paru dans Le Point du 4 juin 2015, « La Grèce et nous: chronique secrète d’une liaison fatale », consultable en ligne (en quatre parties : 1, 2, 3 et 4).
On parle de plus en plus ces jours-ci d’un défaut de paiement de la dette grecque, ravivant les peurs d’une sortie de la Grèce de la zone Euro – le Grexit (encore un slogan !). L’article revient sur la genèse de l’adhésion de la Grèce à l’Union Européenne et à son adoption de la monnaie unique européenne.
De cette chronique, on peut tirer de nombreux enseignements sur les croyances auxquelles nous restons soumis. J’y vois même un cas clinique : l’étude de la succession des errements des différents acteurs qui nous ont mené à la désastreuse situation actuelle montre à quel point les croyances, bien plus que la rationalité, ont présidé des décisions d’importance capitale.
Mais qui sont les comédiens de cette tragédie… grecque ?
Après avoir rédigé une critique de l’enseignement philosophique contemporain ici, voici ma définition de la philosophie et de ce que je considère être sa suprême utilité – dans le cadre subjectif de ce qui serait ma barbarie.
En préambule, il faut dire ceci : que le « programme » que j’envisage est irréalisable en une année d’enseignement. Il faudrait au moins compter trois années, avec des élèves pris à l’âge de 15 ans.
Ce que philosopher devrait être : une ouverture, un décrochage du temps présent, une sortie de soi-même et de la société, une aventure des possibles, des tentatives personnelles et globales. Car il me semble fondamental pour la construction de l’esprit d’innovation, d’éviter de laisser la jeunesse baigner dans sa marinade (celle dans laquelle on l’a plongée).
Depuis les Grecs anciens jusqu’aux Lumières, la philosophie est la discipline qui englobe tout : elle est le questionnement, par l’usage de la raison, sur toute chose et tout mécanisme universel, naturel ou humain. Elle est autant observation attentive du monde qu’édification de principes et de systèmes. Elle conçoit et s’appuie sur des outils que sont les sciences et la logique. Pythagore, Thalès, Platon, Aristote, Descartes, Hobbes, Pascal, Newton, Galilée, De Vinci : autant d’exemples de penseurs globaux, de savants pour qui science et philosophie ne font qu’un. La position de la thèse de Husserl, dans La Krisis, est que
L’irruption de la philosophie, prise en ce sens où toutes les sciences y sont incluses, est le phénomène originaire de l’Europe spirituelle.
Ce n’est réellement qu’à partir du XIXe siècle, sous l’essor du positivisme et du scientisme, que les philosophes, les scientifiques, les économistes, les psychologues, les historiens, les physiciens, les mathématiciens, etc. deviendront des spécialistes de leur discipline, entraînant la disparition de l’honnête homme comme figure idéale du penseur.
Mais que nous enseigne-t-on au fond de cette « humanité » ? En classe de Terminale (et encore, uniquement pour le cursus du baccalauréat général en France, et de manière très minoritaire), nous avons plutôt droit à un bâclage monumental sous une forme qu’il faudrait qualifier d’ « histoire et exercices pratiques de philosophie ».
Ce qui aboutit à une conclusion que l’on entend régulièrement, reprise dans cet article par un enseignant de philosophie en classe de Terminale :
La philosophie ne sert à rien
Pour être franc, la réponse est simple : la philosophie ne sert à rien. Sa contribution au PIB national est nulle. Le discours philosophique s’attache en effet à des problèmes de toujours, qui ne seront jamais refermés. Il ne donne pas de solution, il ne produit pas de certitude, il ne pose pas de point final. Parce qu’elle est le lieu d’une recherche de la vérité.
Lu, dans la revue Esprit, un article intitulé L’installation du Front National dans la politique française: comment réagir? Comment agir? (écrit par Marc-Olivier Padis, rédacteur en chef de la revue Esprit et membre fondateur de Terra Nova – think-tank orienté à gauche) que je considère malheureusement comme l’exemple même de l’inutilité, représentatif de ce qui est généralement produit par les Think Tanks de tous bords : des mesurettes partisanes et irréalistes.
Les nationalistes accusent « l’Europe ultra-libérale des anglo-saxons » et « la gouvernance mondiale hors-sol » de miner les identités nationales et de désarmer les Etats en livrant des individus interchangeables à la voracité du marché.
De manière générale, ils prônent le « choix » de se couper du monde pour ne pas perdre la bataille de la compétitivité :
Il y aurait pourtant un bon usage de l’Europe. Elle pourrait décider, si ses nations les plus importantes le voulaient, de devenir un espace de régulation économique se protégeant des importations et des délocalisations vers les pays à bas salaires. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, après la démocratie, ce serait toujours la démocratie.
« Espace de régulation économique » : que voilà une belle expression afin d’éviter le terme protectionnisme ! Mais protectionnisme envers quoi, au juste ?
Il nous faut gagner la bataille de la compétitivité. Compétitivité de l’Europe par rapport à
l’Asie. Compétitivité de la France par rapport aux nouveaux entrants dans l’Union européenne. Faute de quoi, les « entrepreneurs », les « capitaines d’industrie » (on ne dit plus les patrons), n’auront d’autre choix, les pauvres, ils le regrettent pour nous, que de délocaliser. C’est pourquoi il faut que les salariés consentent à travailler plus et à gagner moins [tiens, récupération sarkozyste par la gauche de la gauche ?]. […] C’est pourquoi il faut démanteler le droit social […]. Et jusqu’à quand cet implacable raisonnement va-t-il s’appliquer ? C’est bien simple : tant qu’il y aura, en Chine ou dans un pays du Sud, des travailleurs plus pauvres que nous qui accepteront de faire le même travail pour moins cher… Comme il y en a
des milliards, on le voit, il y a de la marge… Ce n’est que lorsque la France sera devenue un océan de misères, qu’elle sera guérie de son insuffisance de compétitivité.
C’est donc admettre que le monde (hors de France, celui des pays en développement, Européens, Asiatiques et Africains) est un « océan de misère », et que nous, pour ne pas avoir à subir ce funeste sort, nous devrions nous protéger, fermer les frontières, etc. pour laisser les autres crever dans cette misère, pendant que l’on resterait bien au chaud dans notre confort de privilégiés !
Bref, ils font florès dans la critique à deux sous de la mondialisation et de l’économie libre de marché, pour un recroquevillement national peureux et honteux de pantouflards.
Comme on aime certainement se faire peur – et que par conséquent les médias raffolent de ce type d’informations « à sensations », on a eu droit à un (court) épisode « le danger d’un parti musulman en France » à la veille des élections départementales de mars 2015. Un parti, nommé UDMF (Union des démocrates musulmans de France), qui « agite » la classe politique. Voilà une première leçon : tout ce qui « agite » la classe politique actuelle devrait probablement être traité avec le plus grand mépris.
Kamel Daoud juge cette situation préoccupante. On le comprend, eu égard à sa position vis-à-vis de toute forme de fanatisme islamiste.
Quant à moi, et bien qu’à titre personnel je ne souscrive à aucune forme d’assimilation religieuse qui guiderait mes choix de vie, je n’y vois qu’une expression démocratique banale – dont le devenir possible est à laisser aux mains du peuple, et non de quelques censeurs du bien et du mal.
A l’article Philosophe de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, on peut lire ce qui reflète l’idéal philosophique des Lumières :
Les autres hommes sont déterminés à agir sans sentir ni connaître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu’il y en ait. Le philosophe au contraire démêle les causes autant qu’il est en lui, et souvent même les prévient, et se livre à elles avec connaissance: c’est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quelquefois elle-même.
La vérité n’est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, et qu’il croie trouver partout; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l’apercevoir.
Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde ; il ne croit point être en pays ennemi; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre; il veut trouver du plaisir avec les autres; et pour en trouver, il faut en faire. Ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui le hasard ou son choix le font vivre et il trouve en même temps ce qui lui convient : c’est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile.
L’économie est l’art de faire de la politique en se cachant derrière des chiffres.
La sociologie est l’art de faire de la morale en se cachant derrière des chiffres.
Car on n’a jamais vu deux disciplines académiques être autant instrumentalisées que ces deux-ci.